Parmi les 200 aveugles environ qui sont inscrits dans les universités françaises, Alexandre Armand, a intégré la faculté d’Anglais de l’Université Rennes 2. C’est l’une des universités les plus importantes du grand Ouest : 20.000 étudiants, deux bâtiments impressionnants, un dédale de couloirs où l’on se perd facilement et une configuration géographique difficile à intégrer. Alexandre Armand a été scolarisé au Centre d’Études Sensorielles pour Déficients Visuels et Aveugles jusqu’au CM2, puis rejoint le collège Jean- Moulin à Rennes. Ses années lycée, il les passe à Angers.

Question : Comment s’est déroulée votre entrée à la faculté ?
Réponse : Ça a été la grosse panique. Je me suis retrouvé dans un amphi où il y avait 600 personnes. Où aller pour s’asseoir ? Cette fac est immense et n’a aucun système de repérage pour un aveugle. Alors, j’ai dû faire appel à une instructrice en locomotion qui m’a accompagné pendant trois semaines. Maintenant, je circule seul et quand je suis dans un amphi, il y a toujours un étudiant qui me cède sa place.
Q : De quels outils disposez-vous ?
R : J’utilise pour la prise de notes un ordinateur portable spécial puisque équipé d’une plage tactile Braille. Chez moi, j’ai un ordinateur, un scanner et une imprimante qui me permettent de lire les polycopiés, d’accéder aux dictionnaires sur cédéroms, etc.
Q : Concrètement, comment cela se passe- t-il quand un cours est difficilement accessible ?
R : J’essaie d’être un étudiant comme les autres. Quand, par exemple, il y a projection de carte, je me contente des commentaires du professeur. La seule chose que je demande c’est que l’enseignant me remette avant le cours les photocopies pour que je puisse les scannériser et les lire chez moi.
Q : Vous avez des livres à lire, comment procédez-vous ?
R : Aucun des livres qui sont au programme n’existe en Braille. J’ai deux solutions, soit envoyer le livre à une association pour le faire transcrire, soit le lire grâce au scanner mais c’est long et de toute façon j’y accède toujours plus tard que les autres.
Q : En fac d’Anglais, il y a des cours de phonétique qui utilisent un graphisme particulier, arrivez- vous à le déchiffrer ?
R : J’ai rencontré très vite ce problème. J’ai demandé et obtenu la seule adaptation braille qui existe mais malheureusement elle ne correspond pas aux signes utilisés. J’ai dû demander un aménagement des examens qui m’a été accordé.
Q : Mangez-vous au Restaurant Universitaire ?
R : J’ai essayé au début, mais c’était impossible. C’est bondé et surtout il est difficile de trouver ce qu’on cherche, les entrées sont à un endroit, les plats chauds de l’autre, les desserts sont encore ailleurs…
Q : L’information des étudiants se fait presque exclusivement par le biais des panneaux d’affichage, comment faites- vous ?
R : Je me suis résigné à ne demander que ce dont j’ai strictement besoin et je m’adresse pour cela au Relais Handicap de l’université.

Comme la majorité des universités françaises, Rennes 2 a mis en place depuis six ans un relais handicap. Sa mission est d’aider les personnes à accéder aux cours. Trois permanents dont André Briant et Mathieu Menut aident cette année une quarantaine d’étudiants handicapés dont deux aveugles : « Nous accompagnons les étudiants dans toutes leurs démarches administratives au moment de la rentrée, nous les présentons à leurs professeurs et ensuite nous leur proposons une aide technique adaptée à leur besoin – organisation des examens, transcription de documents, photocopies, etc. »

Alexandre qui a commencé de longues études, s’attend à effectuer un parcours universitaire difficile mais il s’accrochera pour atteindre son objectif professionnel : il veut être interprète. Mais Alexandre et les autres étudiants aveugles ne doivent pas s’attendre à une amélioration rapide de l’aide dont ils bénéficient compte tenu des faibles moyens dont dispose l’université française…

Abder Ragui, janvier 2001.

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