Le territoire de l’actuel Eure-et-Loir est un concentré d’Histoire, des premiers peuplements à nos jours : si les hommes préhistoriques ont laissé peu de traces, les cités emblématiques de Chartres et Dreux occupent des espaces où l’activité humaine remonte à la plus haute antiquité. Les Euréliens d’aujourd’hui sont les héritiers des Durocasses et des Carnutes, commerçants et agriculteurs renommés qui ont su faire du Perche et de la Beauce parmi les régions les plus prospères du continent. Une terre âprement disputée, où se sont affrontés seigneurs locaux puis rois d’Angleterre et de France avant que ces derniers et leur cour n’en fassent l’une de leurs villégiatures de prédilection. Plus tard, cette proximité avec l’Île-de-France a également contribué à la forte industrialisation, y compris de l’agriculture, et au fait que la prospérité ait perduré en dépit des crises, l’Eure-et-Loir gagnant même des habitants. Aujourd’hui, outre les immenses exploitations agricoles, ce territoire, par ailleurs pionnier en matière d’énergies renouvelables, crée de la valeur ajoutée dans des pôles de compétitivité industrielle pharmaceutique et cosmétique.

Et le tourisme ? Bien que ne constituant pas la principale ressource économique du département, il bénéficie d’excellents équipements culturels et de loisirs (destinés d’abord aux habitants, mais les visiteurs sont les bienvenus) ainsi que d’un patrimoine architectural tout à fait remarquable, au premier rang duquel la célébrissime cathédrale Notre-Dame de Chartres, dont la mise en lumière a généré, au fil des années, la mise en place d’un véritable festival déployant, d’avril à octobre, sa féerie nocturne sur les façades emblématiques de la ville : (re)lisez ce que nous en écrivions en 2011. Depuis la publication de ce reportage, une grande partie des illuminations a été renouvelée, privilégiant désormais l’image animée à la simple projection. De même, la voirie chartraine s’est nettement améliorée avec la piétonisation accrue du centre ancien où la déambulation s’avère désormais des plus agréables en fauteuil roulant. La cathédrale, accessible par rampe, vaut évidemment à elle seule le voyage mais il peut s’avérer plus passionnant encore d’en parcourir les travées avec un guide-conférencier, occasion de découvrir de nouveaux aspects parfois inattendus. Renseignez-vous à l’Office de tourisme, qui propose en outre un éventail de visites sur de multiples thématiques et dont le personnel peut vous orienter en fonction de votre handicap, notamment pour le parcours Chartres en Lumières.

Dans un style totalement différent (mais complémentaire, surtout pour les familles) L’Odyssée est un complexe ludique et sportif ultramoderne inauguré en 2009 dans les faubourgs de Chartres, sur la route de Paris. Combinant patinoire, centre aquatique ludique et piscines, c’est le plus grand de France. L’accessibilité à tous les publics y est particulièrement soignée puisque l’on accueille ici scolaires, champions (lors des compétitions nationales et internationales) et individuels. La richesse des équipements, leur excellente accessibilité et un personnel d’accueil bien formé expliquent sans doute que le succès de cette installation, par ailleurs éco-responsable dans le traitement des eaux, dépasse largement les frontières du département: bassins olympiques, intérieur et extérieur, balnéothérapie, sauna, hammam, piscine à vagues, rivière à courant (la plus grande d’Europe), espaces ludiques… L’endroit comporte même une rare fosse à plongée, profonde de 20m, où les handi-plongeurs en herbe (et les autres) peuvent, sur réservation préalable, s’initier en toute sécurité. Cerise sur le gâteau: les flèches de la cathédrale sont visibles depuis les passerelles! Toilettes adaptées, prêt de fauteuils roulants, restauration possible sur place, vaste parking gratuit avec emplacements réservés : préférer l’ascenseur situé en façade, côté droit du bâtiment, plutôt que la longue rampe à gauche.

Non loin de là, la ferme pédagogique de la Renaissance, implantée sur la commune de Nogent-le-Phaye, est un autre rendez-vous très prisé des familles. Fondée par un industriel philanthrope local dans d’anciens bâtiments soigneusement restaurés, elle rassemble, à la manière d’une arche de Noé, les animaux typiques de la ferme, des volatiles aux quadrupèdes, avec cette caractéristique particulière qui lui donne un supplément d’âme inégalable: ces hôtes à plumes ou poils, avec ou sans cornes, ont pour la plupart été récupérés des mains de propriétaires (parfois professionnels) incapables de leur apporter les soins qu’ils méritaient. Ayant échappé à un destin funeste, ces attachants compagnons coulent ici une retraite paisible, admirés et même nourris par leurs visiteurs dans des locaux de plain-pied, aussi bien adaptés aux humains qu’aux animaux. Sa vocation de refuge fait également de la ferme un espace où l’on peut admirer des espèces plus exotiques: lamas, alpagas, guanacos, dromadaires, wallabies, cochons d’Asie… Le parcours, ouvert à la visite individuelle, est ponctué de panneaux expliquant à quelle espèce on a affaire, avec traduction en langue des signes française. Il est néanmoins recommandé de réserver cette visite, laquelle est bien plus intéressante quand elle est accompagnée. Toilettes adaptées, pique-nique possible sur place, parking avec emplacements réservés devant l’entrée.

À une quarantaine de kilomètres au nord de Chartres (et à une heure seulement de Paris, desservie par le Transilien), Dreux est une très ancienne cité qui gagne vraiment à être (re)découverte. Importante place-forte, ville-frontière entre le domaine royal et le duché de Normandie, elle eut à soutenir plusieurs sièges et fut le théâtre d’âpres batailles, notamment pendant la guerre de Cent Ans et, au XVIe siècle, les guerres de religion, dont elle ouvrit en quelque sorte le ban, lors de la bataille de Dreux (1562). De cette époque troublée subsistent le plan actuel du centre ancien, jadis ceint de remparts (détruits au XVIIIe siècle) et de douves alimentées par la rivière Blaise, affluent de l’Eure, dont les berges sont aujourd’hui bordées de jardins fleuris et de belles maisons. Le beffroi, construit au XVIe siècle, attend toujours la campagne de restauration qui l’ouvrira enfin à tous, handicapés ou non, mais on peut en admirer l’imposante silhouette et la façade ouvragée. La réhabilitation des vieilles rues rend par ailleurs la déambulation bien agréable, surtout quand on prend la peine de lever les yeux. À l’instar de Chartres, l’Office de Tourisme (accessible de plain-pied) propose d’ailleurs de passionnantes visites multithématiques dont il serait d’autant plus dommage de se priver qu’elles sont peu onéreuses et tiennent compte du handicap éventuel des participants. Ne manquez pas, en cours de déambulation, de faire une halte « durocasse », spécialité pâtissière locale à base de meringue…

Autre silhouette dominant la ville, à l’emplacement de l’ancien château (mutilé au XVIe siècle puis détruit à la fin du XVIIIe), la chapelle royale édifiée sous le règne de Louis-Philippe pour servir de sépulture aux membres de sa dynastie. Actuellement administrée par la Fondation Saint-Louis, qui gère les possessions de la maison d’Orléans (dont le château d’Amboise), elle est accessible en fauteuil roulant moyennant un stationnement possible devant l’entrée (prévenir) et l’utilisation d’un scalamobile. Les visiteurs déficients sensoriels disposent quant à eux d’un audioguide descriptif, d’une notice de visite en braille, de visites tactiles (pour les groupes), ou d’un vidéoguide en LSF. Que l’on soit ou non en phase avec les « valeurs » très conservatrices incarnées par les membres actuels de cette dynastie prétendant au trône de France, la visite de ce véritable manifeste de l’art romantique est réellement intéressante, notamment pour les exceptionnels vitraux de la manufacture de Sèvres, et la sculpture émouvante des gisants, qui paraissent endormis, rêveurs immaculés, souriants ou victimes d’un sommeil agité, sous l’immense coupole où trônent Louis-Philippe et son épouse, dos tourné à leurs descendants, à leurs visiteurs et aux tumultes de ce monde…

Moulin de la Bellassière

L’Histoire, plus secrète, on la retrouve à Crecy-Couvé, à une dizaine de kilomètres au sud de Dreux, où le moulin de la Bellassière rappelle que Jeanne-Antoinette Poisson, alias Madame de Pompadour, célèbre favorite de Louis XV, jeta un jour son dévolu sur le château, aujourd’hui disparu, qui existait ici. Soucieuse d’embellir jusqu’aux paysages alentour, elle transforma cet humble moulin à blé en buanderie et en jardin d’hiver, qu’elle dota d’une étonnante façade aveugle de style italien, rappelant celle du château, dont elle constitue désormais l’unique témoignage architectural. Les propriétaires actuels en ont fait un véritable havre de paix, parfaitement accessible, où tous les sens sont sollicités et où chacun, valide ou handicapé, est invité à faire une pause, à la fois artistique et sensorielle parmi les fleurs et les plantes aromatiques. Hôte hors du commun, Christophe Ghenassia connaît d’autant mieux son sujet qu’il est concerné au premier chef. Comme l’a si bien dit l’écrivain Didier Decoin, parrain de ce « jardin des six sens » : « Nombre de jardins sont […] des invitations vers des Ailleurs, des invites à prendre les chemins du rêve et de la poésie. Ce jardin-ci, quant à lui, est définitivement une invitation au partage, c’est à dire une invitation à la vie. » Nous voilà prévenus !

Tout au sud du département, à la frontière avec le Loir-et-Cher, Châteaudun est une autre destination secrète, perchée sur son éperon rocheux dominant le Loir. Comme l’atteste sa toponymie Dun (que l’on retrouve pour Issoudun, Loudun, Verdun, etc.), ses origines remontent à l’époque gauloise. Située à la croisée d’importantes voies romaines, ce « castrum » devint logiquement, au Moyen-Âge, une place-forte et le siège d’un comté (le Dunois, qui a également donné son nom aux habitants) dont le représentant le plus influent fut Jean de Dunois (1402-1468), enfant illégitime de Louis Ier d’Orléans, lui-même frère du roi de France Charles VI. Bâtard, donc, mais élevé comme un prince, devenu grand chambellan de France, lieutenant général du royaume et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. C’est à lui que l’on doit le monument emblématique de Châteaudun : son château. Lequel a évidemment connu bien des vicissitudes avant de tomber dans l’escarcelle des Monuments nationaux. L’imposant bâtiment, dont les étages ne sont malheureusement pas accessibles en fauteuil roulant (mais un projet d’ascenseur est à l’étude), présentent néanmoins des façades préservées, les différents occupants ayant ajouté le style de leur époque, notamment Renaissance, sans détruire celui de leurs prédécesseurs. Raison pour laquelle on peut tout à fait se contenter d’admirer les extérieurs de ce véritable livre ouvert d’architecture (en visite guidée, si possible, pour ne rien manquer), l’élégante Sainte-Chapelle présentant un seuil aisément franchissable avec aide. Stationnement réservé à proximité mais pente d’accès assez forte et parvis gravillonné. Le quartier du château, miraculeusement préservé, est constitué de belles maisons anciennes qui se laissent découvrir au hasard de la balade (ah, la venelle des Ribaudes !). Prenez votre temps : le reste de la cité, aux façades des XVIIIe et XIXe siècles, mérite que l’on s’y attarde, même si la voirie « d’époque » contraint souvent les utilisateurs de fauteuils roulants à circuler sur la chaussée.

En contrebas de la falaise, littéralement sous Châteaudun, les grottes du Foulon sont en revanche parfaitement accessibles aux personnes handicapées motrices: dépose possible, sur demande, devant l’entrée située au sommet d’une côte faisant face au parking visiteurs. Ici, l’Histoire se compte en millions d’années et débute… au fond de la mer! La visite, obligatoirement guidée (ce qui est plus prudent eu égard à la profondeur de ce labyrinthe naturel aux multiples couloirs secrets) permet de retracer la formation de ces cavités et expliquer pourquoi on y trouve l’un des plus importants gisements de calcédoine au monde ouvert au public. Certains nodules renferment de précieux fossiles dont on vous expliquera la formation. Authentique machine à remonter le temps, on y suit la naissance puis l’extinction des dinosaures (la fameuse limite Crétacé-Tertiaire y est clairement visible), l’apparition de l’Homme et son activité sur le site jusqu’à la période contemporaine: un sacré voyage! Clou de la visite: l’illumination intégrale des grottes, qui met remarquablement en valeur les joyaux géologiques dont elle regorge. Une belle manière de boucler la boucle avec Chartres…

Jacques Vernes, mai 2014.

Sur le web, le site du Comité Départemental du Tourisme d’Eure-et-Loir fourmille de suggestions d’activités pour des courts séjours en couple ou en famille, avec une rubrique spécifiquement dédiée au label Tourisme et Handicap.


Notre sélection d’adresses accessibles.

À Chartres, le complexe hôtel-restaurant L’Écume, situé en bordure de centre-ancien, dispose d’un parking privatif avec place réservée ainsi que de chambres adaptées. Il est labellisé Tourisme et Handicap (moteur). Calme et accueil familial. Cuisine traditionnelle au restaurant attenant.

Toujours à Chartres, non loin de l’Écume, L’Amphitryon est le restaurant gastronomique de l’hôtel « Le Boeuf Couronné ». Contrairement aux chambres (pourtant rénovées en 2012), la salle du restaurant et ses toilettes sont parfaitement accessibles. Ne manquez pas de goûter à la spécialité locale : le pâté de Chartres…

À une trentaine de kilomètres à l’ouest de Chartres, en pleine forêt de Champrond-en-Gâtine, le domaine du Bois-Landry propose d’extraordinaires cabanes perchées dans les arbres, dont une parfaitement accessible en fauteuil roulant. Ou comment passer une nuit au coeur de la nature, à l’écoute des animaux, dans un confort certes rustique mais cosy. Toilettes (sèches) et petit-déjeuner sur place, douche adaptée dans le bâtiment d’accueil. Le propriétaire, par ailleurs exploitant forestier, a agrémenté le parcours de panneaux didactiques bienvenus. Une étape inattendue !

Entre Chartres et Dreux, à Manou, L’Auberge du moulin à vent (Relais du Silence) est un établissement tout neuf ouvert par un jeune couple plein de projets, notamment en matière d’accessibilité. Une vaste chambre, au rez-de-chaussée, est parfaitement adaptée, ainsi que la salle du restaurant gastronomique donnant sur la campagne et les chevaux du club équestre.

Non loin de là, à Meaucé, l’insolite auberge Grand’Maison Au Cochon Grillé est tenue par des exploitants agricoles dont les ancêtres se sont installés ici en 1810. La ferme, très élégante, est plutôt imposante mais le contenu des assiettes l’est davantage puisqu’il s’agit rien moins que de faire griller des cochons entiers dans une immense cheminée ! Astérix et Rabelais à la même table… Stationnement aisé (graviers) et accès de plain-pied à tous les espaces. Réservation indispensable.

À Dreux, le Market Pub est une adresse branchée située tout près du centre-ancien. Ambiance brasserie de luxe, cuisine simple mais bien élaborée, avec des produits frais. Accueil très professionnel. Accès de plain-pied, toilettes adaptées.

Enfin, à une vingtaine de kilomètres au nord de Châteaudun, Le Gourmet est un restaurant gastronomique qui semble égaré dans le petit village de Brou, mais dont l’excellent rapport qualité/prix attire les gourmets de toute la région, qui aiment à surprendre leurs papilles ! Petit seuil pour accéder à la salle principale, toilettes adaptées.

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