Pour ceux qui l’ignoreraient encore, la Wallonie est une vaste région belge francophone (mais aussi germanophone) occupant le sud du pays. Elle est constituée des provinces du Brabant wallon, du Hainaut, de Liège, du Luxembourg (à ne pas confondre avec le grand-duché) et de Namur, capitale où siègent parlement et gouvernement provinciaux. Bien que majoritairement francophone, Bruxelles n’en fait pas partie et constitue une région à soi seule. La Wallonie, ce sont aussi 3,5 millions d’habitants vivant sur plus de la moitié de la superficie de la Belgique, soit plus du tiers de la population totale du pays. D’un point de vue historique, si le terme « wallon » remonte aux Germains, la Wallonie en tant que concept identitaire n’a émergé qu’à la fin du XIXe siècle et il a fallu près de cent ans (1970) avant que la région wallonne ne voit le jour comme entité politique. L’histoire récente, particulièrement complexe, demanderait un article à soi seul : on relèvera simplement que les antagonismes entre Flamands et Wallons, quoi que très médiatisés, sont moins marqués qu’il n’y paraît. Et que les Belges connaissent infiniment mieux la France et les Français, que l’inverse ! Cette impression de cousinage, accentuée par la continuité géographique, n’en rend que plus agréable un séjour outre-Quiévrain. Les frontaliers ne s’y trompent pas, qui ont depuis longtemps plébiscité la destination pour de courts séjours.

Ainsi Bouillon, à une quinzaine de kilomètres à peine de Sedan (les deux villes oeuvrent d’ailleurs ensemble dans le secteur touristique) est un but de promenade prisé de part et d’autre de la frontière. L’endroit est célèbre pour son château, où plane la figure emblématique de Godefroy de Bouillon, croisé fameux entre tous qui vendit le domaine pour financer ses expéditions militaires. Un véritable mythe national, même si des doutes subsistent sur le lieu de sa naissance (probablement Boulogne-sur-Mer) et son séjour effectif à Bouillon. La forteresse n’en est pas moins impressionnante, campée sur un éperon rocheux dominant la rivière Semois. On y accède en voiture (stationnements réservés sur l’esplanade) puis par une longue rampe pavée. Fortement remaniés au cours des siècles (notamment par Vauban), les lieux offrent, depuis le chemin de ronde partiellement accessible, un beau point de vue sur la vallée et abritent, en saison, un spectacle de fauconnerie. Godefroy, on le retrouve aussi en ville, à l’Archéoscope, où une présentation multimédia, installée dans un ancien couvent (accessible) dont subsistent quelques parties, retrace la vie du héros sans oublier le point de vue des Arabes sur les croisés, ce qui n’est pas si courant.

En lisière de forêt ardennaise, Bastogne est une paisible bourgade bien connue des amateurs de cyclisme pour l’historique Liège Bastogne Liège qui s’y déroule depuis 1892. Un monument à cette « doyenne » a été récemment inauguré sur un rond-point du centre-ville, presque en face du Musée en Piconrue; un nom étrange issu du vocabulaire des drapiers. Les collections permanentes font la part belle au patrimoine religieux, avec quelques témoignages émouvants des productions locales. Des expositions temporaires sur des thèmes connexes sont régulièrement organisées. Juste à côté, tout aussi accessible mais dans un genre totalement différent, l’ancien séminaire abrite un passionnant parcours muséographique intitulé « J’avais 20 ans en 1945 » dont les (très réalistes) reconstitutions devraient parler aux jeunes générations. La bataille des Ardennes est par ailleurs évoquée de manière plus classique au Bastogne Historical Center (de plain-pied) situé en contrebas du sévère et inaccessible Mémorial du Mardasson, célébrant la mémoire des soldats américains morts au combat.

Plus au nord en direction de Liège, dans les Hautes-FagnesStavelot est une très ancienne cité au coeur de laquelle règnent les vestiges impressionnants d’une abbaye aujourd’hui transformée en musée ultra-moderne. Trois thématiques y sont présentées : une collection automobile retraçant l’histoire du circuit de Spa-Francorchamps (tout proche), un musée historique de la principauté de Stavelot-Malmedy et, plus inattendu, une évocation de Guillaume Apollinaire, qui passa ici des vacances mémorables ! Par ailleurs, des expositions temporaires sont organisées tout au long de l’année. Petite restauration possible sur place, parking réservé à côté de l’entrée. Stavelot est également connue pour ses Blancs Moussis, étranges masques au long nez rouge qui, depuis plus de 500 ans, prennent possession de la ville pendant le Laetare (carême). La tradition carnavalesque est, en Wallonie, vivante, populaire et intensément festive : rien à voir avec les shows galvaudés que l’on retrouve ailleurs.

Vue aérienne de l'abbaye de Stavelot

L’un des carnavals les plus célèbres est celui de Binche, non loin de Mons. Classé chef-d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2003, il se déroule, depuis le XVIe siècle, à l’occasion du mardi gras et des jours qui précèdent. Ses personnages principaux en sont les Gilles, très photogéniques dans leur costume éclatant que surmonte un immense chapeau de plumes. Il en existe plusieurs confréries, qui se produisent lors d’autres carnavals (à La Louvière, par exemple) mais c’est à Binche que convergent la plupart des touristes, et ils sont très nombreux ! Comme ailleurs pour semblables occasions, le centre-ville est entièrement interdit à la circulation et le stationnement peut s’avérer particulièrement difficile. Heureusement, l’accueil des spectateurs handicapés est particulièrement soigné… à condition de ne pas arriver au dernier moment. À côté de la grand-place de Binche, le musée international du carnaval et du masque, ouvert toute l’année, propose un tour du monde haut en couleurs grâce à une collection unique en son genre de costumes et masques représentant la plupart des grandes traditions carnavalesques sur les cinq continents. L’accessibilité est correcte et le musée dispose de coffrets tactiles pour déficients visuels. Un voyage extraordinaire !

Autre fête très courue, toujours dans les environs de Mons (qui organise d’ailleurs la sienne), la Ducasse d’Ath, également classée par l’UNESCO, se déroule, depuis des temps immémoriaux, le dernier dimanche du mois d’août. Chars et géants sont de sortie, dont la thématique est très codifiée, pour le plus grand bonheur des initiés et l’émerveillement de tous les autres ! Comme à Binche, le centre-ville est bouclé dès l’aube et le stationnement très difficile. Il est conseillé de venir au défilé du matin, où les Athois sont plus nombreux que les touristes et où il est plus facile d’occuper son bout de trottoir. Le défilé s’étirant sur 4 heures, mieux vaut prévoir des sièges pliants… L’ambiance version wallonne, au son des fanfares, est festive et bon-enfant : chacun s’en donne à coeur joie, y compris les porteurs de géants, qui les font danser à tour de rôle et à qui il est de tradition de jeter quelques piécettes. Le reste de l’année, rendez-vous à la Maison des géants, en attendant la prochaine Ducasse.

La relative proximité des différents centres d’intérêt wallons fait que l’on peut aisément rayonner autour d’un point fixe, voire planifier une sortie à la journée au départ du nord de la France. Ainsi en va-t-il de Tournai, située à une vingtaine de kilomètres de Lille. Cette très ancienne cité royale franque, lovée autour d’une imposante cathédrale (accessible en dépit des réparations en cours) qui allie roman et gothique, présente un centre ancien où il est agréable de déambuler. À l’instar de sa voisine française, la grand-place en constitue le coeur battant, avec ses immeubles élégants, ses commerces et, au moindre rayon de soleil, ses terrasses animées. Riche pole spirituel, culturel et économique durant toute la période médiévale, Tournai a connu un âge d’or dont témoignent ses nombreux musées. Celui de la Tapisserie, notamment (accessible), présente de véritables merveilles.

détail d'une oeuvre de Jean Lurçat au musée de la tapisserie de Tournai.

Grand-place également à Mons, à une demi-heure seulement de Valenciennes ou de Maubeuge. La ville est certes moins touristique que ses voisines mais l’ambiance bon-enfant et la chaleur de l’accueil permettent d’y ressentir ce qui différencie tant les Nordistes des Méridionaux ! L’offre culturelle excellente (musées, salles de spectacles) et la modicité des prix en font un endroit idéal d’où rayonner sur la région. Ainsi, à une dizaine de kilomètres à l’ouest, le site à la fois classique et ultra-contemporain du Grand Hornu est un incontournable, tant d’un point de vue architectural que de celui des collections. Cet ancien charbonnage reconverti en musée et en centre d’études et de séminaires fêtera son bicentenaire en 2010. Accès de plain-pied, restauration possible sur place, vaste parking, « médiation » pour aveugles sur rendez-vous.

Dans un genre différent, au nord-ouest de Mons, Beloeil est célèbre pour son splendide château et son parc, appartenant à la vénérable Maison de Ligne. Le domaine, ouvert au public, accueille notamment des Nuits musicales qui font le délice des amateurs de fêtes Grand Siècle : les mélomanes exigeants risquent d’être déçus mais l’atmosphère magique qui règne sous les arbres centenaires ou au bord du grand canal compense amplement ce désagrément. Le succès populaire étant au rendez-vous, mieux vaut réserver très en avance, surtout pour obtenir le précieux sésame qui permet de stationner au plus près de l’entrée. Restauration possible sur place, WC chimiques accessibles, allées en terre battue.

À quelques encablures de là, saut dans le lointain passé à l’Archéosite d’Aubechies. Les reconstitutions des différents types d’habitat de la préhistoire à l’époque gallo-romaine sont d’autant plus confondantes de vérité que l’on peut les visiter et que des ateliers thématiques y sont régulièrement présentés. Quel dommage que le gravier soit omniprésent sur les allées !

Entre Mons et Charleroi, le canal du centre (à ne pas confondre avec son homonyme français) est également une destination de promenade très prisée, et pour cause : outre un charmant chemin de hallage sur lequel on peut promener, la section La Louvière-Thieu comprend quatre ascenseurs hydrauliques à bateaux construits entre 1888 et 1917, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un nouvel ascenseur, titanesque, a été inauguré à Strépy-Thieu en 2002; d’une dénivellation de plus de 70m, c’est le plus grand du monde. Une péniche (accessible avec aide) permet d’en faire l’expérience. Belle vue panoramique depuis le sommet, retour par petit train (accessible par rampe). À Thuin, quelques kilomètres plus au sud, sur la Sambre, une autre péniche (accessible par élévateur) abrite un petit écomusée de la batellerie. En remontant vers le centre-bourg, on peut également jouir d’un joli panorama mais l’immanquable de l’étape est sans conteste la très romantique Abbaye d’Aulne, dont les ruines se dressent non loin d’une brasserie fameuse et d’un canal bordé de guinguettes.

La grosse ville industrielle de Charleroi ne se laisse pas facilement aborder mais peut, à l’instar de Mons, constituer une excellente base arrière pour une visite plus approfondie de la Wallonie. La culture y est bien servie, à des tarifs intéressants, et le coût général de la vie satisfera les petits budgets. Les amateurs de BD se rappelleront que le fameux éditeur Dupuis (1875-1952) était natif de Charleroi et qu’on lui doit la création en 1938 du magazine Spirou, dans lequel ont vu le jour, entre autres célébrités, Gaston LagaffeLucky LukeBoule et Bill et les Schtroumpfs. Les « tintinophiles » devront quant à eux faire une trentaine de kilomètres vers le nord pour visiter le tout récent et très design Musée Hergé de Louvain-la-Neuve, ville nouvelle universitaire édifiée ex nihilo dans les années 1970. Un écrin idéal pour célébrer, dans une atmosphère recueillie, le(s) talent(s) de l’artiste. Accessibilité parfaite mais parking payant obligatoire.

Namur depuis la citadelle

Capitale de la Wallonie (bien qu’elle n’en soit pas la plus grande ville), Namur, au confluent de la Sambre et de la Meuse, est une cité agréable à vivre, avec ses rues commerçantes, ses élégants bâtiments et sa citadelle. Cette dernière, établie par les Hollandais puis modifiée par Vauban (un petit musée de plain-pied en retrace l’histoire) offre une vue panoramique à 360° sur la cité. Parking aisé. On peut promener dans le vaste parc qui occupe la colline mais la pente est forte et les pavés omniprésents. Namur, qui a vu naître les comédiens Cécile de France et Benoît Poelvoorde, célèbre également, dans son centre ancien, un enfant terrible du pays : Félicien Rops, à qui un musée coquin est tout entier dédié; c’est même le plus accessible de Wallonie : ascenseur, guides en gros caractères, pièces tactiles (sur demande), visites en langue des signes… Public averti seulement !

De même que Namur mériterait un article à soi seul, il y aurait long à dire au sujet de Liège, sa voisine de bords de Meuse. Quatrième ville de Belgique et capitale économique de la Wallonie, son histoire pluriséculaire (elle a été une puissante principauté durant plus de 800 ans) et sa force économique (majoritairement dans le secteur tertiaire même si le port fluvial est le troisième d’Europe) expliquent sa vitalité actuelle. Le centre-ville, très vaste, regorge de monuments et de boutiques. La voirie est disparate mais l’accessibilité s’améliore et on trouve même du guidage podotactile dans les zones rénovées. Le dernier équipement culturel en date, récemment inauguré dans l’ancien palais Curtius, regroupe des collections d’archéologie, d’arts décoratifs, d’art religieux et d’armes : largement de quoi passer la journée ! Des animations et expositions temporaires sont, par ailleurs, organisées tout au long de l’année. La vie culturelle liégeoise est très fournie, avec notamment un Festival international du film policier qui rend hommage à sa façon à Georges Simenon, sur les pas duquel il est possible de promener en ville.

La cité s’enorgueillit également d’avoir vu naître les compositeurs André Grétry et César Franck, ainsi que la joueuse de tennis Justine Henin, mais sa dernière fierté en date, dont le budget a explosé en dix ans, c’est la pharaonique gare des Guillemins due au « starchitecte » espagnol Santiago Calatrava : vous la découvrirez en empruntant le Thalys ou l’I.C.E : une bonne manière de commencer (ou terminer) un voyage en Wallonie !

Jacques Vernes, janvier 2010.


Sur le web, le site officiel de l’Office de Promotion du Tourisme de Wallonie et de Bruxelles propose une information globale multilingue sur la destination. La partie Personnes à Mobilité Réduite liste les sites culturels, hôteliers et de loisirs labellisés « Passe-Partout ».

Partagez !