Niché à Choisel (Yvelines) au coeur de la très huppée Vallée de Chevreuse, le château de Breteuil est une grosse maison de briques dans l’esprit de la Malmaison… l’histoire en moins, même si quelques grands personnages y sont passés. Les lieux ont échappé aux fureurs révolutionnaires à la faveur d’une loi protégeant les enfants nobles orphelins, ce qui était alors le cas du petit marquis de Breteuil, dont les descendants administrent toujours le château. La visite, assez onéreuse, est obligatoirement guidée mais la richesse du mobilier et l’impression de partager un peu de la vie privée d’une famille aristocratique méritent sans doute la dépense. Les enfants, en outre, sont ici royalement servis (ce qui est loin d’être le cas ailleurs) puisque des animations leurs sont proposées autour des contes de Perrault. Le rez de chaussée est accessible mais pas l’étage. Tout le monde ne pourra donc pas découvrir, dans la bibliothèque, cet étonnant fauteuil roulant, conçu par Jacob pour Louis XVIII, avec ses roues dissimulées. On pourra se consoler avec une belle promenade dans les jardins, facilement accessibles, qui offrent de belles perspectives, un petit labyrinthe, une fontaine aux canards, un colombier et une glacière que complètent une buvette et des jeux d’enfants. Une visite paisible à recommander aux familles.

château de Dampierre.

Dans les Yvelines, encore, le château de Dampierre est une impressionnante construction de briques édifiée au XVIIe siècle sur des plans de Mansart par Honoré d’Albert de Luynes, Duc de Chevreuse, Ministre d’Etat et gendre de Colbert. Le château, habité par plusieurs souverains, est resté la propriété de la famille de Luynes- Chevreuse, descendante de frondeurs, épargnée par les révolutionnaires qui lui surent gré de ne pas émigrer à l’étranger. L’accès au bâtiment est rendu difficile par de gros pavés mais le rez de chaussée est de plain- pied. Comme pour la plupart des monuments privés, la visite (guidée) est assez chère. La majesté des volumes intérieurs, décorés de quelques tableaux de maître et de quelques beaux meubles, ne laisse pas insensible. Le grand salon déploie en outre un remarquable jeu de miroirs et de lustres qui répand une très belle lumière. Aucun regret, en revanche, pour l’étage, inaccessible et de style pompier. Quant au parc, bien que ravagé par la tempête de 1999, il a conservé son jardin romantique avec pièces d’eau, kiosque et cygnes.

château de Saint-Germain-en-Laye.

Toujours dans les Yvelines, le château de Saint-Germain en Laye abrite depuis 1867 les précieuses collections du Musée d’archéologie nationale. Le domaine d’origine, importante possession royale dès le XIIe siècle, a été maintes fois remanié. En 1559, le château totalisait une superficie de 8.000 m² ! Puis Henri II fit construire, à l’extrémité de l’actuelle terrasse (qui offre une superbe vue panoramique sur Paris) un « château neuf » terminé par Henri IV. Les règnes suivants verront ce que l’on nomme dorénavant le « château vieux » abandonné aux enfants royaux et à leur domesticité. En 1660, Louis XIV déserte le « château neuf » (où il est né) et revient au « château vieux » pour de fréquents séjours, notamment lors des chasses royales. La fameuse « affaire des poisons » se déroule en grande partie à Saint- Germain. En avril 1682, le roi s’installe définitivement à Versailles, laissant le domaine à la famille de Jacques II Stuart, roi d’Angleterre exilé en France. Le « château neuf », construit sur un terrain instable, disparaît. Investi à la Révolution, le « château vieux » sert quant à lui de prison, hôpital, école de cavalerie, caserne puis pénitencier avant que Napoléon III décide d’y installer un musée après une importante campagne de restauration. Aujourd’hui, les anciennes salles du château, transformées en espaces d’exposition (accessibles), présentent des collections archéologiques, dont certaines comptent parmi les plus riches au monde. N’oubliez pas de visiter la sainte chapelle en dépit de sa mauvaise accessibilité, c’est un chef d’oeuvre de l’art gothique à l’instar de celles de Paris et de Vincennes.

château de Maisons-Laffitte.

A quelques encablures de Saint-Germain en Laye, le château de Maisons-Laffitte est un bijou inaccessible qu’il serait injuste de ne pas mentionner, tant une récente restauration lui a rendu de son lustre. Chef d’oeuvre de Mansart, le château a connu des hôtes prestigieux : rois ou princes, empereurs ou maréchaux, mais aussi écrivains ou penseurs tels Voltaire, Madame de Staël, Benjamin Constant… C’est à l’un de ses propriétaires, le Comte d’Artois futur Charles X, que la ville doit ses activités hippiques. Confisqué à la Révolution, le domaine passe ensuite entre diverses mains, dont celles, calamiteuses, du banquier Jacques Laffitte qui lotit le parc, réduit aujourd’hui à la portion congrue, et fait démolir les écuries. L’État rachète et sauve ce qu’il reste en 1905. Le rez de chaussée est occupé par de grands appartements d’apparat où le blanc et les stucs prédominent. Le vestibule d’honneur (dont les grilles sont désormais au Musée du Louvre) et le grand escalier sont d’authentiques splendeurs. A l’étage, les « appartements à l’italienne », de facture plus conventionnelle, abritent une curiosité : un cabinet aux miroirs circulaire richement marqueté qui reflètent la lumière provenant d’une seule fenêtre. Enfin, les nostalgiques de l’Empire ne manqueront pas d’apprécier la grande chambre d’angle jadis occupée par le Maréchal Lannes.

château de Vaux-le-Vicomte.

En Seine-et-Marne, l’élégant château de Vaux-le-Vicomte, théâtre de la plus célèbre disgrâce de l’Histoire, est un joyau hélas peu accessible aux fauteuils roulants. Les lieux sont indissociables de leur instigateur, le surintendant Nicolas Fouquet (1615- 1680) amoureux des arts, qui sut s’entourer de ce qui deviendrait la fine fleur artistique de son siècle : La Fontaine, Molière, Le Nôtre, Poussin… Fouquet rêvait de devenir Premier Ministre. Le jeune Louis XIV, jaloux, dit-on, du train de vie de son surintendant et monté contre lui par un Colbert rongé d’ambition, en décida tout autrement après une fête mémorable donnée à Vaux. Voltaire aura plus tard cette formule : « Le 17 août [1661] à six heures du soir, Fouquet était le roi de France; à deux heures du matin, il n’était plus rien ». Arrêté à Nantes le 5 septembre suivant, le courtisan disgracié fut envoyé, après un simulacre de procès et sur ordre du Roi, à Pignerol (Alpes) où il fût emprisonné jusqu’à sa mort en 1680. Partiellement pillé, le château fut ensuite vendu par la veuve Fouquet, ruinée, au Maréchal de Villars, qui le revendit au Duc de Praslin dont les descendants s’en séparèrent en piètre état en 1875. Un certain Alfred Sommier s’en porta alors acquéreur, dont la famille possède toujours le domaine, restauré avec goût et à grands frais dans l’esprit du XVIIe siècle. C’est peut- être ce qui explique le prix élevé du billet d’entrée. Outre le château, on peut également visiter un très intéressant musée des équipages, qui présente un rare ensemble de voitures à chevaux. Et parcourir les 35 hectares des jardins de Le Nôtre au moyen de voiturettes électriques disponibles en location. De nombreuses animations sont également organisées tout au long de l’année, dont de très courues représentations d’opéra en plein air.

château de Champs-sur-Marne.

Toujours en Seine-et-Marne, le château de Champs-sur-Marne est une belle maison du XVIIIe siècle qui a vu se croiser quelques esprits marquants de son temps : Diderot, d’Alembert, Voltaire, la marquise de Pompadour… Entré dans le giron de l’État en 1935 et affecté jusqu’en 1974 aux « hôtes prestigieux de la France », il a été très richement meublé et la relative discrétion de son emplacement le préserve encore de l’afflux touristique. L’accessibilité est aléatoire, le perron se dressant au sommet d’une volée de marches, mais les collections méritent largement l’effort. Le salon chinois en camaïeux de bleu créé pour le duc de La Vallière et les boiseries délicates de la chambre de la marquise de Pompadour sont un enchantement. Le vaste parc a quelque peu souffert de la tempête de 1999 mais son charme est intact, que renforce le plaisir d’y déambuler comme chez soi. Parc et château ont servi de décor à de nombreux tournages de films dont Les liaisons dangereuses (Stephen Frears), L’allée du roi (Nina Companeez), Ridicule (Patrice Lecomte) ou Vatel (Roland Joffé). Et il arrive encore que quelque ministre, séduit par l’endroit, y organise une « journée de réflexion »…

château de Courson.

Le château de Courson, dans l’Essonne, est difficile à trouver, dissimulé au détour d’une route de campagne. Le domaine, édifié au XVIIe siècle, est finalement devenu la propriété d’une branche cadette de la famille Bonaparte qui continue à en assurer l’administration. L’entrée est assez chère et le site vaut bien davantage par l’éclat de son parc que par la visite (guidée) du château, peu accessible, dont on pourra se passer. Le seul élément remarquable de l’agencement intérieur est un exceptionnel salon d’apparat installé sur deux niveaux à l’emplacement de l’ancien vestibule d’entrée. Le parc, à l’anglaise, est parmi les plus romantiques d’Île de France: jardin de conifères, étang entouré de fleurs, collection de rhododendrons et de rosiers, magnolias, serres… Un coin pique- nique a été aménagé pour permettre aux visiteurs de prendre leur temps. Des « journées des plantes » sont organisées deux fois par an, qui rassemblent un grand nombre d’amateurs.

château de Chantilly.

Chantilly, ce n’est pas uniquement un champ de courses, c’est aussi et surtout un château. Aux confins de l’Oise et proche de Paris, cette propriété de l’Institut de France est incontournable en dépit de son accessibilité réduite. Du château Renaissance des princes de Condé il ne reste pas grand chose, les lieux ayant été fortement remaniés au XIXe siècle par le Duc d’Aumale, fils de Louis- Philippe. Outre des jardins dessinés par Le Nôtre, et un parc splendide, l’endroit vaut surtout pour la prestigieuse collection d’oeuvres d’art léguée par le Duc à l’Institut en 1886. La muséographie, ultime caprice du donateur, n’a pas changé depuis le XIXe siècle et témoigne d’une approche esthétique qui peut décontenancer, avec ses tableaux accrochés sur plusieurs niveaux, toutes époques et écoles confondues. Mais quels chefs d’oeuvres : Delacroix, Clouet, Van Dyck, Poussin, Raphaël, Watteau, Ingres… et une collection de miniatures et d’enluminures unique au monde, dont les célébrissimes Très Riches Heures du Duc de Berry. Les plaisirs de la table valent en outre ceux de l’esprit puisqu’on se souviendra que le fameux Vatel exerça ici ses talents et que deux restaurants (dont un gastronomique) ont été aménagés dans le château. A proximité, les Grandes Ecuries, spectaculaire bâtiment rescapé du XVIIIe siècle qui abrite désormais un Musée vivant du cheval, raviront les amateurs d’art équestre.

château d'Ecouen.

A la limite sud du domaine de Chantilly, dans le Val d’Oise, le château d’Écouen abrite le Musée national de la Renaissance. On en doit l’édification au grand seigneur et collectionneur Anne de Montmorency (qui a également fait construire le premier château de Chantilly), intime de François 1er et favori d’Henri II. C’était sans doute l’un des plus beaux et des plus riches châteaux de son époque. Passé aux mains des Condé, le bâtiment est confisqué à la Révolution. Il devient ensuite, sur ordre de Napoléon 1er, maison d’éducation pour les Filles de la Légion d’Honneur. Elles y resteront jusqu’en 1962, date à laquelle le Ministère de la Culture en prend possession pour y installer un musée de la Renaissance. Lequel a ouvert ses portes en 1977 après de très lourds travaux de restauration. L’essentiel des collections (dont la splendide tapisserie de David et Bethsabée) provient du Musée de Cluny (Paris), quelques objets rescapés du château (vitraux, pavements, serrures…) ont été intégrés à la muséographie, sobre et bien étudiée. La collection d’armes et d’armures est étonnante. Les lieux, ainsi que le parc de modestes dimensions, sont parfaitement accessibles si l’on fait exception des traditionnels pavés. Stationnement réservé possible sur le pont donnant accès au château. Écouen se trouvant à l’aplomb d’une ligne aérienne très fréquentée, le télescopage temporel (et sonore) y est plus présent qu’ailleurs…

château de Sceaux.

Enfin, pour clore cette sélection, étape dans les Hauts de Seine où le château de Sceaux abrite depuis 1967 un (modeste) Musée de l’Île de France, constitué principalement de tableaux, qui intéressera surtout les passionnés d’histoire et les Franciliens. Son excellente accessibilité (entrée par lève- fauteuil dissimulé dans le perron de l’aile gauche) et la splendeur de son immense parc (grand canal, fontaines, bosquets…) en font néanmoins une étape familiale bienvenue. Aménagé pour Jean- Baptiste Colbert dans les années 1670, le domaine a connu bien des vicissitudes, passant de mains illustres en mains illustres à travers la révolution (qui l’épargna) jusqu’à sa destruction dans les premières années du XIXe siècle. En 1828, Napoléon- César- Edouard Mortier, duc de Trévise par la grâce de l’Empire, décida de faire construire un nouveau château à l’emplacement du précédent. C’est sa petite-fille, princesse de Cystria, qui vendit le domaine au Département en 1923. Restauré au début des années 1990, l’endroit conserve encore quelques témoignages de l’architecture du XVIIe siècle : entrée d’honneur, écuries, pavillon de l’Aurore, orangerie, savamment insérés dans les vastes perspectives dessinées par André Le Nôtre et qui font désormais l’attrait principal du domaine… et son succès : Sceaux est à éviter, autant que possible, les fins de semaine !

Jacques Vernes, avril 2005.

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