Les handisportifs connaissent la chanson : ils doivent à la fois s’entrainer (souvent seuls), gérer leur corps et leurs performances, organiser leurs déplacements en compétition, s’y rendre avec les moyens dont ils disposent et parfois conduire durant quelques centaines de kilomètres, concourir puis revenir chez eux. Des conditions finalement éprouvantes, qui peuvent nuire aux résultats. Une grande partie de ces tâches est, depuis trois ans, épargnée aux quatre meilleurs paracyclistes d’Ile-de-France, le Comité Régional Handisport ayant créé une équipe dotée des moyens nécessaires : « L’idée de créer cette équipe m’est venue en 2008, explique Alain Drutinus. Je m’étais aperçu qu’Olivier Donval et John Saccomandi avaient un gros potentiel, mais qu’ils ne pouvaient participer à toutes les épreuves internationales. J’ai proposé au comité de créer une sélection régionale avec des moyens financiers permettant de dégager les clubs des frais de déplacement que nous prenons en charge, en fournissant aux coureurs la logistique nécessaire : chauffeurs, mécanicien, entraineur. » Une structure conçue pour décharger les compétiteurs sur tandems ou handbikes de cette intendance assurée souvent par le sportif lui-même ou le pilote du tandem, conduisant jusqu’au lieu de compétition, avec tous les risques liés à la fatigue. La sélection régionale compte deux coureurs déficients visuels et leurs pilotes, ainsi que deux handbikeurs; elle est dotée d’un budget de 30.000€ par an et utilise les véhicules du comité francilien handisport. Elle participe également au financement des engins de courses des handisportifs, matériels coûteux à l’achat et à l’entretien.

L’autre originalité de cette sélection est d’accueillir tous les paracyclistes: « Les clubs ont tendance à se consacrer au handbike, au tandem, aux Sourds, aux infirmes moteurs cérébraux, sans faire de mélange, poursuit Alain Drutinus. Je voudrais casser cela, pour qu’un club soit un melting-pot de tous ces handicaps, que l’on ne remarque plus le handicap mais que l’on ne voit que le sportif. »

L’un des handbikeurs, Patrick Héry, licencié au Stade Français, pratique depuis deux ans, après avoir renoncé au basket à cause d’une blessure au dos : « Le handbike est un sport totalement différent. Il est individuel, et de plus en plus rapide, tous les ans les chronos sont battus. » Pour se maintenir en forme, il roule tous les jours dans les environs de Corbeil-Essonnes où il réside. Egalement licencié au Stade Français, Fabrice Martel est le second handbikeur de la sélection: « Dans mon club de basket, il y a avait un handbike, je l’ai essayé il y a six ans, ça m’a plu, j’ai commencé en loisir, je fais des compétitions depuis 4 ans. C’est un sport qui se pratique sur route, où il n’y a pas de contraintes, on peut rouler seul ou à plusieurs. » A l’aise dans les côtes, il s’entraine régulièrement, mais n’a pas encore atteint un niveau suffisant pour espérer participer aux Jeux Paralympiques de Londres 2012.

Stéphane Boussard, lui, est aveugle et court sur tandem avec Mickael Dhinnin, son pilote : « Je faisais du vélo, je suis passé au tandem il y a 20 ans quand je n’ai plus eu la possibilité de faire du solo. » Ils courent autant sur piste que sur route, mais Stéphane Boussard rappelle que les coureurs français ont le meilleur niveau mondial sur route: « Il y a peu de vélodromes en France, pas d’engagement fédéral, peu de soutien, le tandem sur piste reste une discipline extrêmement technique et confidentielle. » Licencié au Centre sportif de l’Institution Nationale des Invalides à Paris, il travaille comme ostéopathe, notamment pour l’équipe de France de moto.

Dernier coureur de la sélection, Olivier Donval est très malvoyant et sourd appareillé du fait d’un syndrome d’Usher; licencié à l’Association Sports et Loisirs pour Aveugles et Amblyopes (ASLAA), Champion du monde en 2011, il court avec son pilote, John Saccomandi, revêtu du célèbre maillot arc-en-ciel : « Ma destinée n’était pas d’être champion du monde, elle était de se faire plaisir sur un vélo. J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment, des opportunités professionnelles également pour passer du loisir à la compétition puis au haut-niveau. »

Le mécanicien, Christophe Delannoy, assure les réglages et l’entretien des tandems et handbikes, et aide également les coureurs à optimiser leurs performances : « Je suis là pour adapter la position des coureurs dans leur handbike par exemple, pour améliorer leur rotation de bras dans la propulsion de l’engin. J’accompagne également les coureurs jusqu’à la ligne de départ pour les aider à se positionner. »

Avec cette structure quasiment professionnelle, le paracyclisme francilien est paré pour parvenir au meilleur niveau international d’un sport régi par une seule fédération, l’Union Cycliste Internationale (UCI). « Elle a pris en charge le cyclisme handisport, c’est une énorme marche vers l’intégration, apprécie Olivier Donval. Cela développe la compétition internationale, qui devient plus onéreuse, ce qu’un club handisport ne peut plus supporter. La création de la sélection paracyclisme au sein du Comité Régional Handisport d’Ile-de-France permet aux athlètes de concourir au niveau international. » Un exemple à suivre.

Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2012.

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