En Malaisie, en 2014, une victime de 22 ans, de nationalité française, conductrice d’un véhicule à moteur était victime d’un grave accident de la circulation, et fut soignée essentiellement pour un traumatisme crânien grave.

Un avocat spécialiste en droit du dommage corporel

En 2015, la victime et sa famille firent appel à un avocat spécialisé en droit du dommage corporel pour tenter d’obtenir en France une meilleure indemnisation de tous leurs préjudices, car ils savaient qu’en Malaisie le droit indemnitaire des victimes est rudimentaire, pour ne pas dire inexistant. Leur indemnisation serait dérisoire, voire nulle au regard de l’importance du préjudice corporel.

L’avocat, après avoir réuni toutes les pièces du dossier (pièces médicales, administratives, sociales, professionnelles…) décidait en 2015 de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) de Paris, bien sûr en France, pour obtenir la condamnation du Fonds de Garantie des victimes d’actes terroristes et autres infractions (FGTI), couramment appelé Fonds de Garantie, à la réparation de leur entier dommage. Ainsi, l’avocat sollicitait en France l’indemnisation de tous les préjudices moraux et financiers de son client et de sa famille suite à un accident de la circulation intervenu en Malaisie et impliquant des Malaisiens, et demandait dans un premier temps la désignation d’un médecin expert judiciaire pour évaluer le dommage corporel de son client ainsi que le versement d’une provision à valoir sur ses dommages.

Le Fonds de Garantie et les accidents à l’étranger

Le Fonds de Garantie s’opposait énergiquement à ses demandes, il estimait que la victime avait commis des fautes de conduite qui rendaient sa demande indemnitaire sérieusement contestable. Le Fonds de Garantie déposait trois jeux de conclusions contre la victime, auxquelles, bien sûr, l’avocat spécialisé répliquait. Le Fonds de Garantie estimait également que l’enquête préliminaire en Malaisie était incomplète et sollicitait un complément d’informations. Autant demander la lune dans un pays qui ne répondait à aucune demande !

Selon le Fonds de Garantie, la victime n’établissait pas qu’elle avait été victime d’une infraction et rien ne justifiait dans son comportement qu’elle était en droit d’être indemnisée de son dommage corporel en France par le FGTI. Le Fonds de Garantie évoquait aussi des fautes à son encontre : vitesse excessive de la victime, le défaut de maîtrise de son véhicule lors de l’accident et le non-port du casque. L’avocat spécialisé et la famille firent tout pour obtenir l’enquête pénale en Malaisie, chose qui relève de l’exploit, dans un pays où il n’a pas été répondu à de multiples demandes adressées à l’ambassade et au consulat malaisien notamment.

La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Paris

Les parties échangèrent plusieurs conclusions et finalement, par ordonnance rendue en janvier 2017, la CIVI de Paris fit droit à l’argumentaire l’avocat spécialisé de la victime, et jugeait son action recevable contre le FGTI. Son droit à indemnisation était entier et exclusif, toutes les fautes de conduite contre elle étaient écartées : excès de vitesse, manque de maîtrise, défaut de casque. La CIVI lui allouait une provision de 60.000€ et désignait un expert judiciaire neurologue ce qui est essentiel s’agissant d’une personne traumatisée crânienne. La victime était hospitalisée pendant longtemps, en hospitalisation complète puis en hospitalisation de jour pour rentrer à son domicile en 2016 et débuter une formation.

Les expertises médicales : DFP, préjudice professionnel et tierce personne

En 2017, l’expert judiciaire commençait les opérations d’expertises médicales auxquelles, bien sûr, la victime était assistée par son médecin conseil de victime et son avocat spécialisé. Le Fonds de Garantie était également représenté par son médecin conseil et par son inspecteur. Chacune des parties défendait son point de vue et son évaluation. L’expert judiciaire, après une discussion contradictoire, déposait un pré-rapport. L’avocat spécialisé adressait ensuite un Dire à l’expert en novembre 2017 qui concernait essentiellement les besoins en tierce personne. Le Fonds de Garantie adressait également un Dire à l’expert en décembre 2017, ne partageant pas l’avis de l’avocat spécialisé de la victime sur cette évaluation pourtant capitale.

En janvier 2018, l’expert judiciaire déposait son rapport définitif et retenait notamment pour la victime un taux de DFP (déficit fonctionnel permanent) de 75%, un préjudice professionnel avec nécessité d’un travail en milieu protégé à temps partiel, et un besoin en tierce personne pérenne après consolidation de 8 heures par jour lorsque la victime ne travaille pas et de 5 heures par jour lorsqu’elle est en stage ou au travail.

L’avocat spécialisé se rapprochait ensuite du FGTI pour discuter de l’entier dossier et trouver une bonne solution d’entente amiable afin de solutionner ce litige qui angoissait la victime et sa famille depuis 2014. En effet, les conclusions, les audiences, les expertises amiables et judiciaires sont particulièrement anxiogènes pour la victime et sa famille qui vivent, en plus du handicap, une pathologie et une anxiété supplémentaire inacceptable mais pourtant obligatoire pour l’évaluation de leurs dommages et la réparation de leurs préjudices. C’est ainsi que l’avocat spécialisé saisissait à nouveau la CIVI de Paris d’une importante demande indemnitaire, versant aux débats 103 pièces à l’appui de son argumentaire très détaillé.

L’accord d’indemnisation

Un accord fut trouvé avec le FGTI puis homologué par la CIVI de Paris en octobre 2018, allouant à la victime un total de plus de 3,3 millions d’euros, représentant une somme en capital de 1.200.000€ environ ainsi que deux rentes annuelles viagères et indexées de 45.000€ et 15.000€ pour la réparation de ses préjudices au titre de la tierce personne et du préjudice professionnel, totalisant la somme capitalisée de 2.100.000€.

En conclusion, Il est certain que sans un avocat spécialisé pour l’assister dans une telle procédure, tant judiciaire que médicale, la victime n’aurait pu obtenir une indemnisation aussi importante. La victime seule ne peut rien, elle n’est pas avocat et ne connaît rien au droit de la réparation du dommage corporel qui est un droit de spécialiste que connaissent parfaitement les médecins conseils et inspecteurs du Fonds de garantie.

J’entends souvent aussi que nous sommes dans une société victimaire, où la victime est en première ligne et que tout lui est dû, qu’elle a tous les droits. Je suis choquée par cette affirmation gratuite et par ce constat des plus infondés. Il ne faut jamais oublier que la victime n’a rien demandé, elle subit, ainsi que toute sa famille, dans sa chair et pour toute sa vie, les actes délictueux d’une personne tierce qui, elle, passera à autre chose, surtout dans le cadre des accidents de la circulation, où seules les compagnies d’assurances et le Fonds de Garantie sont présents aux expertises et aux procès, et concernés dans les procès indemnitaires pour payer le moins possible.

La victime, elle, a un long parcours médical, social et administratif à subir pour s’en sortir, et aussi médicale, judiciaire et indemnitaire pour être réparée de son dommage, pour vivre le plus décemment possible en toute sécurité. Elle n’a rien demandé, ne l’oublions jamais, elle est « victime ».

Victime de l’accident mais aussi victime de l’indemnisation

Après 37 ans de carrière, je n’accepte plus d’entendre de tels propos, ni toutes les réflexions que doivent subir les victimes lors des expertises notamment. Leurs dommages sont minimisés, ou j’entends de plus en plus qu’elles n’ont pas de besoin puisqu’elles ne demandent rien, alors que leur pathologie et leur agnosie les empêchent de verbaliser leurs demandes et expliquer leurs besoins. Elles sont deux fois victimes : victime de l’accident et victime de l’indemnisation, les victimes n’ont pas à subir tout cela, et elles doivent se défendre en étant parfaitement assistées, comprises et aimées.

Je remercie la jeune victime et sa famille, que j’ai accompagnées durant cette procédure, qui m’ont fait confiance. Je sais que la jeune victime est à l’abri du besoin et qu’elle vit avec l’amour des siens, ce qui est essentiel, et que jamais elle n’oubliera ce parcourt du combattant et l’assistance de son avocat spécialisé pour obtenir une reconnaissance auquel elle a droit sans discussion.

Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, décembre 2018.

Partagez !