Madame X roule tranquillement au volant de son véhicule. Il lui prend la (mauvaise ?) idée de respecter le feu orange et de s’arrêter. Monsieur Y qui était derrière n’avait pas la même idée, considérant que le feu orange ne doit pas marquer le ralentissement voire l’arrêt mais plutôt l’accélération ! La scène est ensuite banale : Madame X est percutée à l’arrière. Non seulement elle est blessée mais elle se fait en outre copieusement insulter par Monsieur Y qui retrouve au volant tous ses instincts de mâle dominateur…

Le seul petit détail c’est que Monsieur Y a tort et qu’il le sait. Il n’a pas maîtrisé son véhicule, ni ses pulsions. C’est donc son assureur qui devra indemniser la victime. Madame X subira une expertise : elle évoquera les nausées, les céphalées, les étourdissements ou les pertes d’équilibre imperceptibles. Elle soulignera ses insomnies ou ses difficultés à se concentrer, ses amnésies. Il est fréquent également que l’entourage évoque une irritabilité plus importante de la victime. Madame X a en fait été victime d’un traumatisme crânien sans perte de connaissance et elle est sujette à ce que l’on peut appeler « un syndrome subjectif ».

Plus le choc aura été violent, plus le traumatisme a de chances d’être important et plus ses conséquences seront évidentes, mais il n’est pas facile de prouver l’importance des douleurs ou des troubles. Les tribunaux ont besoin d’éléments objectifs pour fixer l’indemnisation, or ce syndrome précisément n’est pas objectif d’où la difficulté, sachant qu’il appartient à celui qui invoque un préjudice d’en rapporter la preuve. L’expert prendra donc soin de faire préciser exactement à la victime les circonstances du traumatisme et la nature des douleurs; il prendra soin de ne pas diriger l’interrogatoire pour ne pas induire les réponses.

Il faut donc inviter clairement les victimes à relater à l’expert très exactement les différentes gênes même les plus anodines et ne pas hésiter à donner des détails ou à fournir les témoignages des proches. Il faut ensuite insister sur l’importance d’être expertisé après la consolidation : le temps aura passé depuis l’accident et il sera plus facile de faire la part des séquelles mineures qui auront disparu rapidement, de celles qui se seront prolongées. L’objectif est d’être finalement correctement indemnisé de la réalité de son préjudice.

Philippe Carlini, Avocat au barreau, CP Carlini et Associés, avril 2003.

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