« Mehr Licht ! » (« Plus de lumière ! ») : seraient-ce les dernières parole de Goethe sur son lit de mort qui ont guidé les artisans de la rénovation de la Bibliothèque Nationale de France (BnF) de la rue de Richelieu ? On peut se le demander tant le visiteur qui entre dans la vaste et élevée salle Labrouste (du nom de l’architecte qui l’a bâtie) est saisi par la clarté qui l’inonde, la douceur des décors sylvestres peints par le paysagiste Desgoffe, l’élévation des neuf coupoles ouvertes sur le ciel. Une réussite remarquable dans ce fleuron français de la conservation des livres installé au Palais Mazarin au XVIIe siècle. Depuis, c’est tout un ilot qui a été « colonisé » par la bibliothèque. Mais son histoire est plus ancienne encore, remontant à la bibliothèque royale de Charles V installée au Louvre en 1368, et à la création du dépôt légal par François 1er en 1537. Depuis, chaque ouvrage imprimé est remis à la BnF, qui a également reçu toutes les bibliothèques des rois de France depuis Louis XI. Si les services de la BnF sont répartis sur quatorze sites, celui de la rue de Richelieu, à Paris (2e arrondissement), demeure le plus prestigieux.

Les parties rouvertes au public sont désormais accessibles aux personnes à mobilité réduite, même s’il reste des aménagements à réaliser pour les lecteurs déficients visuels ou auditifs; dans les prochains mois sera créé un guidage de l’entrée du 58 rue de Richelieu pour traverser la cour d’honneur jusqu’à l’accueil du public, des boucles à induction magnétique équiperont chaque point d’accueil, un vidéo projecteur sera disponible en salle Labrouste, ainsi qu’une machine à lire et un poste informatique équipé d’un logiciel de lecture d’écran. Jadis réservé aux chercheurs et universitaires, la BnF Richelieu est partiellement ouverte à tous et une partie de ses collections en accès libre, dans le Magasin central de l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA). Restitué dans son état d’origine, il a failli être détruit à la demande des pompiers du fait de sa fragilité : il s’embraserait en cinq minutes ! Finalement, les personnels ont obtenu sa restauration et une modernisation qui a toutefois préservé le terminal d’envoi et de réception des pneumatiques. Ce système d’expédition rapide de textes a fonctionné jusqu’en 1998, reliant des services très éloignés. Les rayonnages posés sur des étages de caillebotis en fonte, accessibles par escaliers et ascenseur, présentent actuellement 150.000 livres consacrés à l’histoire de l’art publiés aux XIXe et XXe siècle, en libre-service.

BNF Richelieu, magasin central, terminal de pneumatiques.

À l’étage se trouve la bibliothèque des arts du spectacle, précédée d’une belle rotonde dédiée à l’exposition de costumes, objets et documents rares, que l’on rejoint par une galerie de verre qui surplombe la cour d’honneur. Si la présentation en faible lumière est nécessaire à la bonne conservation des oeuvres, on regrettera que les cartels en fins caractères grisonnants sur fond anthracite soient peu lisibles même avec une bonne vue; des consignes seront-elles données au muséographe lors du renouvellement des pièces exposées, dans quelques mois ? A voir également, mais derrière des portes vitrées, la très belle galerie Auguste Rondel et ses rayonnages en bois sombre, sa galerie sur piliers métalliques, et son décor fleuri. Egalement accessible depuis la rotonde, la bibliothèque des manuscrits conserve des trésors patrimoniaux réservés aux chercheurs.

Des visites guidées des espaces rénovés de la BnF sont organisées chaque jeudi à 15h30, sur inscription par mél ou au 01 53 79 49 49. Des visites de la bibliothèque de l’INHA sont proposées les samedis à 18h30 : renseignements par mél. La rénovation du site historique de la BnF va se poursuivre jusqu’en 2020 par la salle ovale, un volume gigantesque sans pilier qui accueillera un musée consacré à des manuscrits et oeuvres célèbres. Lors des journées portes ouvertes de mi-janvier, on pouvait ainsi comparer son état actuel, inaccessible, sombre et vétuste, avec l’éclat et l’accessibilité de la salle Labrouste : la BnF nous réserve encore de belles surprises !

Laurent Lejard, janvier 2017.

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