Régulièrement, des foires d’autopromotion d’artistes et créateurs handicapés, ou « Self Help », sont organisées par le bureau de développement de l’Ambassade des Etats-Unis à Lomé, pour présenter les activités qu’elle appuie et permettre aux associations ou organisations expérimentées de s’auto-assister. Celle de janvier 2012 était entièrement dédiée à une douzaine d’associations de personnes handicapées et quelques exposants indépendants, telle la styliste Akoko Sébio qui a participé à de grands défilés nationaux et internationaux. Et fin mars s’est déroulée la seconde foire, élargie à toutes les associations agrées par l’Ambassade et soutenues par le ministère togolais du développement à la base, de l’emploi des jeunes. On y a présenté des innovations, un concours de cuisine togolaise, des ateliers pratiques (batik, tissage), un défilé de mode, des chants, théâtre et danses. Cinq associations de personnes handicapées ont exposé leurs travaux et produits auprès d’une quarantaine d’autres organisations.

Belle Porte, association de cinq groupements en majorité de personnes handicapées, est venue avec le groupement Mawunya (« Dieu sait ») composé de deux personnes handicapées physiques et de cinq mères d’enfants handicapés. Elles ont présenté des paniers, spatules, habits et trousseaux pour bébés. Mais le groupement Mawunya dit, comme d’autres exposants, n’avoir rien vendu, tout en s’illustrant à travers l’atelier des techniques traditionnelles de tissage de panier que Koffi Agabus Kotché, son secrétaire général, a offert aux jeunes gens qui se sont inscrits auprès de l’ambassade pour apprendre. Agabus précise que cet atelier ne lui a rien rapporté de façon pécuniaire, si ce n’est d’avoir permis de le faire connaître davantage du public, c’est-à-dire de faire son autopromotion, comme le nom de la foire le dit si bien. Et d’ajouter : « La vannerie, c’est un don que j’ai développé depuis mon enfance alors que je suis éleveur de petits ruminants. J’ai appris l’élevage pendant un an à l’O.I.C (Opportunity Industrialisation Center) de Notsè. C’était gratuit. J’arrive à vivre de la vannerie et de l’élevage. » « C’est un monsieur très entreprenant », confirme Maxime Gagou, directeur de la société Uniprix à Lomé, qui témoigne avoir été élevé pendant sept ans par Agabus à Notsè. Atteint de poliomyélite vers l’âge de trois ans, Agabus fait partie de ces personnes handicapées très battantes, qui n’ont pas honte de leur handicap mais qui, au contraire, valorisent leurs talents.

C’est aussi le cas de l’artiste Prince Aléwa, membre de l’association TIBI qui, pour une première, a chanté plusieurs fois la même chanson au cours de la foire. Il a réussi son autopromotion puisqu’il a été rappelé le lendemain par l’Ambassade pour faire le même spectacle que le public a redemandé ! TIBI a présenté quatre exposants dont deux handicapés : Afi Essianyo et Enyonam Akpé Akakpo. Afi Essianyo fait de la couture d’art: elle coud des poupées, des animaux, des sacs et des chapeaux. Elle n’a aucune subvention et ne dispose que d’une seule petite machine avec laquelle elle arrive pourtant à créer en quantité. Enyonam Akpé Akakpo non plus n’a pas de subvention pour ses poupées habillées.

L’Association Artisanale des Non-Voyants de Lomé (AANVL) mérite également d’être soutenue car leur Centre Espoir, avec lequel elle est venue à la foire, réalise des activités notamment le tressage de meubles et la production ainsi que la commercialisation de savons antiseptiques et autres produits dermatologiques de qualité « testés en Allemagne et à l’université de Lomé » assure Dzidonou de Souza, le président du centre, non-voyant. Qui ajoute : « Nous finançons nous-mêmes nos produits depuis 2004, date de création de notre centre, y compris notre produit phare ‘Racine’ que nous avons exposé à la foire. Nous avons depuis quatre ans déjà le soutien du ministère du développement à la base qui nous a fourni des huiles essentielles de coco, de palmistes et de plantes aromatiques. » C’est la première fois que le Centre Espoir expose à l’ambassade.

GEANOS (« Généreuse Action de Noblesse et de Solidarité ») ne démérite pas non plus, puisqu’elle s’occupe des enfants handicapés mentaux qui ont eux-mêmes réalisés tous les articles exposés par l’association. Ces enfants n’ont pas pu venir car, explique une des responsables, « il a plu et il serait un peu difficile de les gérer… » C’est aussi la première fois que cette association expose à l’ambassade. La présidente de GEANOS, le docteur Geneviève Akédjo, a loué une boutique où ces enfants exposent leur savoir-faire artistique.

Avec l’APHASS (Association de personnes handicapées d’Assoli), ce sont d’autres types de produits qui étaient exposés, des véhicules très ingénieux… mais que personne ne finance et des bâtons de craie. Boukari Dermane, handicapé moteur, fabrique seul ses articles, en étant aidé par deux jeunes pour la collecte des matériaux qui sont des boîtes de conserve. C’est un travail qu’il n’a pas appris mais auquel il s’accroche: « C’est prometteur, même si je n’ai de soutien financier. Je vais voir les gens pour qu’ils m’aident mais ils ne me prennent pas au sérieux car, me disent-ils, ce n’est pas important ce que tu fais! »

Et pourtant à la foire, les visiteurs apprécient ces articles. C’est l’avis de Mark Nichols, manager aux Etats-Unis: « Bien sûr que ce sont des artistes ! s’exclame-t-il. D’ailleurs je viens d’acheter quelques articles. » C’est aussi l’avis de Sylvain Akouété-Akué, étudiant en marketing qui trouve impressionnant le talent artistique des exposants handicapés. Joseph E. Welsh, chef des services généraux de l’Ambassade, a également acheté des articles, de même que Chantal Afoutou, membre du bureau de développement de l’Ambassade: « Toutes les demandes d’associations n’ont pas été acceptées, précise-t-elle, mais celles qui sont sélectionnées le méritent et méritent d’être soutenues. »

Tous les articles ont donc intéressé d’une manière ou d’une autre, et certains visiteurs ont pu en acheter. Tous les exposants n’ont pas vendu comme ils l’espéraient mais ils ont su faire leur propre promotion avec plus de visibilité et beaucoup de contacts ont été pris.

Abdoul Rafiou Lassissi,
mai 2012

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