Les travailleurs handicapés de l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail « Les Ateliers de la Mée« , installé à Châteaubriant (commune de Loire-Atlantique rendue célèbre par l’exécution le 22 octobre 1941 de 27 résistants dont le jeune Guy Môquet) font du théâtre depuis les années 1980. Ils ont plusieurs spectacles à leur actif, dont l’un, Jukebox, avait été vu par des élus du département, subjugués. « Ils nous ont sollicité fin 2005 pour participer à un projet européen, explique Colette Chatellier, coordinatrice. On est parti sur ce projet un peu fou »… Les Ateliers de la Mée se sont alors appuyés sur un cabinet conseil qui a monté leur dossier et trouvé des partenaires potentiels; des trois envisagés, un seul, hongrois, a renoncé pour des raisons budgétaires. Outre les Ateliers de la Mée, Kontakt réunit le Stiftung Leben und Arbeit de Johannishag Franziskus de Hambourg (Allemagne) et le Psouu Kolo de Szczecin (Pologne).

La première rencontre entre les partenaires s’est déroulée en février 2006, à Hambourg. S’en sont suivies plusieurs réunions avec les directeurs des trois structures puis, en octobre 2006, une rencontre entre l’encadrement et les comédiens pressentis : « Il fallait s’accorder sur un projet théâtral, qui a été élaboré lors des échanges, poursuit Colette Chatellier. On est partis sur la notion du chiffre 3, les couleurs, les formes. On a déliré sur cette notion, une rencontre à trois. Le thème était trouvé tout naturellement, Kontakt, un mot qui apparaissait souvent dans nos échanges par courrier électronique ». Le web a, en effet, été un outil de communication très employé par les partenaires.

18 comédiens handicapés au total (soit six par pays) participent au spectacle. Si les décors ont été élaborés à Châteaubriant, chaque partenaire a réalisé ses costumes : jaunes pour les Allemands, bleus pour les Polonais, rouges pour les Français. L’anglais a servi de langue d’échange et de travail mais, pour les comédiens, tout était traduit dans leur langue; parmi eux, un sourd lisant sur les lèvres et s’exprimant en langue des signes française. Ils se sont rencontrés trois fois en sessions de travail, une douzaine de jours au total. « Chacun s’exprime dans sa langue, l’expression est surtout gestuelle, précise Jean-Louis Crémet, référent du projet. C’est tout un cheminement qui s’est fait, avec des saynètes mises en scène. Le metteur en scène, Alexis Chevalier, a ensuite mélangé les groupes et joué sur les oppositions ».

Un metteur en scène qui a longuement réfléchi avant d’accepter de travailler sur ce projet : « C’est un public qui m’impressionnait, le handicap me gênait, explique Alexis Chevalier. J’ai accepté après 15 jours de réflexion. Ensuite, ça n’a été que du bonheur, des moments forts d’échange ». C’est son deuxième travail auprès de personnes handicapées : à ses débuts, alors qu’il avait 20 ans, il avait animé des ateliers théâtre dans un institut médico-éducatif. 35 années séparent ces deux activités. « La beauté du geste est d’être allé jusqu’au bout du projet, complète Alexis Chevalier. En cherchant ensemble, en s’appuyant sur la réalité de la situation des comédiens, et que de leur rencontre résulte une richesse ».

L’argument de Kontakt renvoie à l’ouverture à l’autre : au départ, trois planètes sur lesquelles trois communautés vivent en autarcie jusqu’à ce qu’un leader leur donne envie d’aller voir ailleurs, sur une quatrième planète. Là, se succèdent conflits, accidents, péripéties de la vie qui feront finalement émerger une vie en commun. « À l’arrivée, complète Alexis Chevalier, on se rend compte que des gens dits différents ont des comportements d’êtres humains; les frontières s’ouvrent, ils se rencontrent et ne sont plus étrangers ».

Les conditions particulières d’élaboration du spectacle, alliant trois groupes éloignés géographiquement, font néanmoins de Kontakt un pari risqué : « On tenait à un travail sérieux, rigoureux, conclut Alexis Chevalier. Si on réussit ce pari, c’est la porte ouverte à d’autres réalisations ». Un nouveau théâtre de l’Europe va peut-être naître…

Laurent Lejard, novembre 2008.


Kontakt ou le secret de Léa est créé les 21 et 22 novembre 2008 au Théâtre de Verre de Chateaubriant, à 70 kilomètres au nord de Nantes, ville qui accueillera la pièce le 24 novembre au Palais des Congrès, avant la représentation parisienne du 26 novembre au Théâtre Sylvia Monfort. Elle sera ensuite représentée en Allemagne puis en Pologne à partir de février 2009.

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