Qu’y a-t-il de commun entre l’essoreuse à salade Oxo, les accessoires de toilette Etac et la radio Lifeline ? Tous ces objets ont été conçus pour le plus grand nombre d’utilisateurs, dont les personnes handicapées, par des artistes designers et ils sont exposés dans un musée d’art contemporain. Vous pourrez les découvrir jusqu’au 17 octobre 2005 au sein de l’exposition D.Day présentée au Centre Georges Pompidou à Paris.

« J’ai voulu balayer les tendances et la diversité du champ du design, commente Valérie Guillaume, Commissaire de l’exposition. En mêlant l’objet aux propositions fictionnelles ». Elle a voulu interroger les objets et leurs usages, en repérant beaucoup de projets et peu de réalisations dans le domaine social ou environnemental. C’est le cas également en matière de design universel ou design pour tous. Les principes du design pour tous ont été posés par Henry Dreyfuss (Design for people, 1955, et The measure of man, 1960), suivi par Victor Papanek qui a confronté le designer à sa responsabilité sociale (Designing the real world, 1971, et How things don’t work, 1977). « Aujourd’hui, il y a une recrudescence d’intérêt pour cet aspect, poursuit Valérie Guillaume. On a cherché, pour l’exposition, des objets qui favorisent une nouvelle gestuelle, qui découle d’un intérêt pour l’ergonomie. Tous les objets relèvent d’une démarche de design : le designer n’apporte pas que de l’esthétique, il a un regard croisé sur l’ergonomie, la technique et l’artistique, il doit traiter les contraintes et le souci du beau ».

L’objet le plus ancien date de 1948, il s’agit d’une assiette rectangulaire aux lignes pures (kilta, d’Iittala) et dont les bords nettement inclinés permettent de bloquer un aliment avec une fourchette; réalisée en faïence émaillée, elle est lourde et stable. « L’influence du designer est japonisante, elle n’est pas uniquement fonctionnelle ». A l’inverse, la préoccupation fonctionnelle semble dominer le doseur de cuisine Oxo (Good grips) : son bol, dont le bord verseur est oblique, présente une double gradation lisible de dessus ou de coté et sa grande stabilité est assurée par sa base et une grosse poignée recouverte d’un matériau agrippant qui se prend indifféremment de la main droite ou de la gauche. Fonctionnel certes, mais bien dessiné, et qui s’inscrit dans une unité de style de la collection d’ustensiles de ce fabricant américain.

La beauté de la ligne domine dans les moulins à épices Aida, dont les salière et poivrière ressemblent à des phares maritimes : appuyez sur le bouton placé au sommet, l’épice est broyée et éjectée par un mécanisme interne.

La fonctionnalité reprend le pas dans la radio Lifeline conçue pour les populations vivant sans électricité, notamment dans les pays pauvres : l’écran d’affichage des fréquences utilise des couleurs contrastées afin d’aider les déficients visuels dans le fonctionnement d’un récepteur au demeurant très simple d’utilisation.

« Les designers doivent observer les usages, constate Valérie Guillaume. Des visiteurs de l’exposition se demandent parfois à quoi servent les objets. Les produits naissent d’une envie personnelle plutôt qu’après une étude de marché ». Mais la quête de ces produits adaptés en standard a été ardue : « J’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé de produits français. Le design universel est peu diffusé. En Europe, il y a une sensibilisation dans les pays scandinaves; pas en France ». Quelques objets conçus selon le principe de design universel sont pourtant officiellement entrés dans les collections d’art contemporain du Centre Georges Pompidou (moulins à épices Aida, carafe isotherme Eva, économe, bol gradué, essoreuse à salade et couteau à pain Oxo), preuve que des ustensiles employés par des personnes handicapées peuvent aussi être des oeuvres d’art…

Laurent Lejard, septembre 2005


D. Day. Exposition jusqu’au 17 octobre 2005 au Centre National d’Art Contemporain – Centre Georges Pompidou, Paris.

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