On ne dénoncera jamais assez les fâcheuses conséquences de la consanguinité ! C’est certainement parce que son père avait marié une cousine germaine que Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa eut une santé précaire. Une maladie des os empêcha la parfaite réparation de fractures à ses deux fémurs, lui laissant des jambes courtes et déformées. Certains auteurs suspectent aussi une anomalie du développement humain, la « persistance des fontanelles » ou pycnodysostose avec nanisme. Toulouse- Lautrec, peu gâté par son hérédité bien qu’issu de la grande aristocratie albigeoise, surmonta son infirmité par la peinture.

L’essentiel de son oeuvre nous plonge dans le Paris canaille des vingt dernières années du XIXe siècle. Habitué des maisons closes, des cabarets et des beuglants, assidu du Moulin Rouge, du Rat-Mort, de l’Élysée-Montmartre, il peint avec une infinie tendresse les artistes et les prostituées, les acrobates et les bateleurs, croque férocement les spectateurs libidineux et les proxénètes faisandés.

Il immortalise les danseuses de cancan: Nini Patte-en-l’air, Trompe-la-Mort, La Goulue. Il semble passionné par les jambes des femmes, représentées tels des fuseaux longilignes et potelés. L’agitation frénétique des lieux d’amusement de ce Paris fin de siècle est mise en évidence par un trait net, des couleurs fondues au contraste marqué, fortement influencés par la technique de l’estampe japonaise. Lorsque la technologie permit l’impression en quatre couleurs, Henri révolutionna le style de l’affiche : Yvette Guilbert, La Goulue, Valentin le Désossé y sont dessinés à gros traits, rehaussés de couleurs vives à l’opposition franche.

L’abus d’alcool l’emporta en 1901, à l’âge de 37 ans, après plusieurs crises de delirium tremens qui le firent séjourner en maison de santé. Sa mère légua l’oeuvre de son fils au musée d’Albi.

Jacques Vernes, février 2001.

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