Dans le cadre des découvertes culturelles, les Journées du Patrimoine sont l’occasion d’accéder à des lieux habituellement fermés au public. Les sites concernés sont très divers, et la curiosité l’emporte parfois sur l’intérêt, intérêt encore plus relatif lorsqu’il les visiteurs sont aveugles. Pour qu’ils en retirent quelque chose, les guides doivent leur donner des explications très détaillées, mais peut- on profiter davantage de ces visites ? Nous avons fait ce test pour vous en visitant les ateliers d’Air France Industries à Orly (Essonne), ouverts pour la première fois au public.

e comité d’accueil organisait l’entrée des visiteurs, et les personnes handicapées étaient immédiatement prises en charge dans un véhicule de transport adapté. Un mécanicien nous a aimablement accompagné durant toute la durée de la visite. Cet encadrement, attentif et efficace, est apparu, pour une première, parfaitement organisé, digne de la rigueur que l’on est en droit d’attendre d’une compagnie de transport aérien.

Nous avons visité trois groupes d’ateliers : moteur, entretien des avions, et équipements. L’atelier moteur est certainement le moins intéressant ; il s’agit surtout d’une présentation visuelle de différents modèles, ouverts, fermés ou à moitié démontés. Leur fonctionnement étant trop complexe, seules certaines informations concernant leur maintenance pouvaient attirer l’attention. Saviez- vous qu’un moteur ne s’use pratiquement qu’au démarrage ?

Le deuxième groupe d’ateliers est utilisé pour la maintenance des avions « tout entiers ». Même si on ne peut les toucher réellement, on apprend ce qui leur arrive pendant la durée de leur vie. Le programme de révisions est très précis et, avec les commentaires d’un spécialiste, on a pu se passer de la lecture des panneaux qui reprennent ces informations. Ceux qui aiment les chiffres ont de quoi s’amuser : nombre de révisions différentes, durée de chacune d’entre elles, quels éléments sont inspectés… La plus grande révision, qui a lieu tous les cinq ans, oblige à démonter entièrement l’appareil. Faites- vous de même avec votre voiture ?

Ce que l’on peut voir, mais aussi toucher, c’est une partie de ce que l’on trouve dans les ateliers des équipements. C’est pour nous la partie la plus intéressante de la visite. On y trouve à la fois les machines- outils qui permettent de faire des réparations – mieux ne pas y mettre les doigts – mais aussi un certain nombre de pièces qui composent un avion. Ces éléments sont présentés sur des tables, avec pour les explications, des mécaniciens spécialisés. On peut tout à fait toucher chaque élément, les soulever s’ils ne sont pas trop lourds, et en apprécier la matière. On peut alors continuer le jeu des questions : une boite noire est- elle vraiment noire, d’où vient l’air que l’on reçoit dans l’avion, à quoi ressemble un anémomètre… et à chaque fois avoir l’élément en question entre les mains.

Et si votre curiosité n’est pas tout à fait satisfaite, on vous propose de vous asseoir à la place du pilote. Un cockpit de Caravelle sert de simulateur pour tous les visiteurs intéressés. C’est le reste d’un vieil avion dont il ne subsiste plus que les principaux éléments de navigation : manche entre vos mains, pieds sur les pédales et manettes à main droite, vous êtes aux commandes. Et il valait mieux qu’il ne décolle pas, parce que piloter sans voir, c’est une autre affaire !

L’expérience est donc concluante. Le secteur industriel est aussi digne d’intérêt que les musées ou bâtiments officiels, même si le nombre de sites à visiter est inférieur. Pourtant, leur intérêt pour les personnes aveugles semble plus important parce que leur découverte est plus concrète. Les Conservateurs des musées nationaux devraient y effectuer quelques visites instructives… à l’aveugle évidemment !

Jacques Vernes, septembre 2000.

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