Alexandra Grévin, avocate spécialisée en droit du handicap

Un usager d’un Centre d’Aide par le Travail (CAT, appelé depuis 2005 Etablissement et Service et d’Aide par le Travail, ESAT) qui n’avait pas pu prendre, du fait de son absence pour maladie, son solde de congés payés a saisi le Tribunal d’Instance d’Avignon d’une demande en paiement d’indemnités compensatrices de congés payés. Par un jugement en date du 27 juillet 2010, le Tribunal d’Instance d’Avignon a débouté l’usager de ses demandes d’indemnités compensatrices de congés payés au motif qu’en réalité, ce dernier n’avait droit qu’à six jours de congés payés.

Saisie de cette question, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée le 16 décembre 2015 en déboutant l’usager de ces demandes. Cependant, ce n’était pas la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait à statuer sur cette affaire. En effet, le 29 mai 2013, la Cour de cassation a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne afin, notamment, de déterminer si, au sens de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, une personne admise dans un Centre d’Aide par le Travail peut être qualifiée de « travailleur » (lire ce Focus). La Cour de Justice de l’Union Européenne a répondu, dans une décision en date du 26 mars 2015, par laquelle elle affirme que les usagers des CAT ont la qualité de travailleur. En effet la Cour de Justice de l’Union Européenne exprime, en ces termes, cette décision : « Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de ‘travailleur’ dans le cadre de la directive 2003/88 doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Ainsi, doit être considérée comme ‘travailleur’ toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération ».

A l’appui de cette réponse, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet alors que si les usagers d’un Centre d’Aide par le Travail peuvent effectivement être considérés comme des travailleurs au sens de l’article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, le droit aux congés dans un ESAT ne peut être reconnu qu’à partir de l’entrée en vigueur du décret du 16 juin 2006, qui prévoit ce droit à congés, soit au 1er janvier 2007. Ainsi, le pourvoi de l’usager a été rejeté au motif que ses droits à congé étaient antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 16 juin 2006.

Si la Cour de cassation refuse d’admettre cette solution dans le cas d’espèce, par principe elle ne la refuse pas. La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans sa décision du 26 mars 2015, a complètement révolutionné la qualité des personnes travaillant en établissement médico-social, les faisant passer d’un statut en lien avec le droit médico-social à un statut en lien avec le droit du travail, ceci ayant des conséquences sur leurs droits. Ainsi, il est probable que dans les années à venir un contentieux important se développe sur cette question.

Alexandra Grévin, avocate au Barreau de Paris, août 2016.

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