La prise en charge des personnes handicapées par l’État Béninois, les collectivités territoriales, les Partenaires Financiers au Développement et les Organisations Non Gouvernementales n’apporte pas toujours des solutions satisfaisantes aux bénéficiaires, et n’aide que peu de personnes. Les initiatives sont parcellaires, isolées, sans suivi, une situation qui s’explique par les actions « à vue » de certains acteurs aussi bien dans l’administration publique qu’au niveau des collectivités territoriales. Aucune statistique n’est disponible pour mesurer le taux d’appui apporté par l’Etat, les ONG et les collectivités aux personnes handicapées, et les aides ne sont pas soutenues par des textes législatifs.

Les programmes et les projets d’aides aux personnes handicapées au Bénin sont généralement des initiatives limitées, sans lendemain. La preuve est que les problèmes des personnes handicapées sont pris comme des cas sociaux temporaires et donc renvoyés dans les Centres de Promotion Sociale, alors que l’Etat ne dispose d’aucune ligne budgétaire fiable dans ces institutions. Parallèlement, quelques écoles sont créées pour les enfants aveugles ou amblyopes, sourds ou malentendants, mais tous les enfants en âge d’être scolarisés ne peuvent y accéder à cause du nombre insuffisant de places, des frais de scolarité et surtout du régime d’internat ou d’externat qui y est lié. L’exécution des programmes pour l’intégration des personnes handicapées au Bénin est malheureusement un leurre pour la mauvaise gouvernance qui la caractérise.

Un système éducatif à construire.

Administrateur en gestion des ressources humaines, spécialiste en Réadaptation et Intégration des Personnes Handicapées, Nestor Agbogbe est Directeur de la Réadaptation et de l’Intégration des Personnes Handicapées (DRIPH) au ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des Handicapés et des Personnes de Troisième Age : « Le Gouvernement vient d’adopter une Politique Nationale pour la Protection et l’Intégration des Personnes Handicapées (PNPIPH) afin de donner une orientation globale à l’aide apportée par l’Etat aux personnes handicapées, explique-t-il. Tout ce qui se faisait jusque-là n’entrait pas dans un cadre structuré, maintenant l’aide apportée par l’Etat aux personnes handicapées se situe à plusieurs niveaux notamment dans les Centres de Promotion Sociale à travers les enquêtes sociales pour déterminer les besoins et les types de handicap des personnes. »

A ce titre, un centre pour les personnes handicapées auditives est en construction dans la commune d’Allada, à 40km de Cotonou, capitale économique du Bénin. Et il est prévu aussi un Centre de prise en charge institutionnelle des enfants aveugles ou amblyopes en âge scolaire. Les enfants recrutés seront suivis jusqu’à l’université sur la base d’un effectif de 350 enfants par les Centres de Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes de Sègbèya et de Parakou. Et pour ce qui concerne l’aide des partenaires sociaux et financiers au développement, il a été mis en œuvre dans le département du Zou, de 2004 à 2011, un volet Intégration Scolaire des Enfants Handicapés par le Programme d’Appui au Secteur de l’Education au Bénin (V-ISEH/PASEB).

Un programme qui a pour ambition d’introduire à titre pilote l’approche intégratrice dans certaines écoles. Cette option d’éducation intégrée est partie du fait que l’éducation est un droit humain fondamental et qu’elle permet de jeter les bases d’une société plus juste. Ce volet a pour objet de permettre aux écoles ordinaires de surmonter les obstacles qui empêchent l’intégration scolaire des enfants à besoins éducatifs spéciaux, de même que ceux victimes de handicaps. Le budget alloué pour ce programme est de 311.000.000 FCFA (474.000€). Le personnel est constitué de cinq animateurs, quatre assistants sociaux, quatre enseignants itinérants qui ont la charge de renforcer la capacité en langage des signes des enseignants ordinaires et des enfants sourds, pris en charge par ledit programme. Les enfants sont laissés sans suivi à la fin de ce programme alors que certains vont à l’examen du Certificat d’études primaires.

Pour la prise en charge effective des personnes handicapées, l’Etat béninois a créé en 2006 un Fonds d’Appui à la Réadaptation et à l’Intégration des Personnes Handicapées (FARIPH), qui entend apporter un soutien multiforme aux divers besoins des personnes handicapées. Ses interventions sont limitées à l’appui à la mobilité, aux activités génératrice de revenu, aux écoliers par des kits scolaires, aux étudiants par des secours universitaires. Il est à noter que toutes ces actions ont couvert un petit nombre tant la demande est importante. Mais ces nobles ambitions sont vaines car l’aide de l’Etat à l’emploi des personnes handicapées reste et demeure une grande problématique. « Quelque chose est fait, précise Nestor Agbogbé, mais beaucoup reste à faire dans le domaine de l’emploi et la mise en oeuvre de la PNPIPH pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. Il y aura une justice sociale dans le recrutement des personnes handicapées si la politique est mise en oeuvre. »

Un soutien sans suivi ni suite.

Coordonnateur adjoint du programme Handi Insertion, chargé du projet et Directeur du journal électronique Trait D’Union de l’ONG Equilibre Bénin, Ghyslain Agboton s’occupe du volet « Insertion Sociale des enfants handicapés approche intégratrice » au sein de cette ONG qui s’est donnée pour mission de soulager les peines des populations de la Commune d’Abomey Calavi, à 15 km de Cotonou : « Equilibre Bénin a donné priorité au bien être des personnes handicapées à travers plusieurs projets : construction d’un Centre de documentation et d’échanges sur les questions du handicap, sensibilisation de la population sur la prévention des handicaps par la scolarisation des enfants handicapés, programme de partenariat avec les associations de personnes handicapées par des apports techniques, projet prévention et dépistage précoce du handicap, programme intégration scolaire des enfants handicapés qui consiste à inscrire les enfants handicapés en âge scolaire dans les mêmes classes que leurs pairs. L’ONG a joué le rôle de coordonnateur de ce programme qui a pris fin en décembre 2011. »

Les aides apportées aux personnes handicapées dans la localité sont catégorielles : la première a trait à la facilitation de l’autonomie des personnes handicapées par des prises en charge de séances de rééducation fonctionnelle, d’appareillages orthopédiques, la mise à disposition d’aides techniques. La seconde catégorie concerne l’insertion sociale et l’éducation des personnes handicapées, c’est-à-dire l’accompagnement des enfants handicapés à intégrer le tissu social et éducatif. La troisième catégorie est l’insertion économique et professionnelle par activités génératrices de revenu aux mères d’enfants handicapés et aux adultes handicapés, ainsi que des facilitations d’accès à l’emploi.

Ghyslain Agboton

« Tous ces projets ont apporté un plus aux personnes handicapées, estime Ghyslain Agboton, mais ils disparaissent par faute de moyens financiers provenant des bailleurs de fonds. Seul le programme Handi Insertion continue d’exister grâce aux cotisations des membres de l’ONG et de quelques financements des opérateurs économiques tels que la société Cherika, la pharmacie Gbedjromédé, Bank of Africa et Equilibre Bénin France. »

Ainsi, l’aide apportée par la communauté aux personnes handicapées souffre de beaucoup d’insuffisances sur tous les plans, tant au niveau de l’Etat qu’à celui des ONG. En effet, les aides apportées ne durent que le temps d’un rêve et n’atteignent pas la majorité des bénéficiaires à cause de l’inexistence d’un plan directeur et d’une loi sur la politique d’insertion et d’intégration sociale et économique adéquate des personnes handicapées.

Parfois, l’aide constitue même un fonds de commerce pour certaines personnalités qui mettent en avant « la cause », telles les cérémonies de remise de dons aux personnes handicapées où les per diem [indemnités journalières de présence NDLR] qui y sont liés coûtent plus cher que les dons eux-mêmes. « Sinon comment peut-on dire qu’on aide les personnes handicapées, et quand on veut leur venir en aide pour un montant de 100 FCFA [0,15€] par exemple, celui qui apporte l’aide, généralement dans le cas de l’administration publique, gagne pour sa mission de remise 1.000 FCFA [1,52€] », fait remarquer une personne handicapée qui, assistant fortuitement à l’interview, s’est invitée aux débats. L’aide aux personnes handicapées profiterait-elle davantage à celles qui la dispensent ?

Nassirou Domingo, octobre 2012.

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