Henri Plagnol souhaite s’appuyer sur les associations de personnes handicapées pour développer l’accès à l’informatique et à l’Internet, et sur l’accompagnement humain pour améliorer la relation entre administrés et Administration, tout en privilégiant l’incitation et l’émulation positive.

Question :
 Les personnes handicapées sont parmi celles qui trouveraient le plus grand bénéfice à disposer d’une « administration à distance », notamment par l’utilisation de l’Internet. Quelles sont vos actions actuelles et futures dans ce domaine ?

Henri Plagnol :
 Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication représentent un espoir considérable pour les personnes les plus fragiles et les plus démunies de notre société, et en tout premier lieu celles qui sont en situation de handicap ainsi que les personnes âgées dépendantes. Malheureusement, jusqu’à maintenant, on a trop souvent présenté ces nouvelles technologies comme étant destinées prioritairement aux jeunes actifs, branchés, comme faisant partie de leur environnement naturel. Il y a un très gros effort pédagogique à réaliser auprès des personnes qui ne vivent pas dans la société de l’information, qui ne baignent pas dedans, pour qu’elles sachent que pour elles ces technologies peuvent être un plus considérable. Mais on ne pourra pas agir en direction de ce public sans le concours des associations et de leurs bénévoles, souvent handicapés eux-mêmes et qui ont été des pionniers: ils doivent conduire cette action de pédagogie auprès des autres personnes handicapées. Après cette première urgence, la seconde est que ce public devienne une priorité dans l’octroi de moyens budgétaires et soit pris en considération par les administrations. Avec Marie- Thérèse Boisseau, Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, nous avons confié une mission d’étude à Julien Perben (lui- même non- voyant et qui a été un pionnier sur le terrain de l’accessibilité des N.T.I.C) destinée à sensibiliser et accélérer la mise à niveau des normes internationales aux sites publics français.

Question :
 Justement, pour être utilisables par les personnes handicapées les sites Internet nécessitent d’être accessibles, de respecter certaines règles de réalisation technique. Des sites publics, ainsi que des téléprocédures dont la déclaration des revenus, leur sont interdits. Comment estimez- vous devoir rétablir l’égalité d’accès et de traitement ?

Henri Plagnol : C’est une priorité stratégique, voulue par le Président de la République, qui doit mobiliser l’ensemble des administrations. La mission Perben devra recenser les usages des N.T.I.C, par les personnes handicapées, qui contribuent à améliorer et faciliter leur vie quotidienne. Il y a quelque chose d’extrêmement choquant à ce que les téléprocédures soient aisément utilisables pour la plupart des gens sauf par ceux qui en ont le plus besoin. Dans ce domaine, l’expérience des associations est fondamentale. L’une des missions assignées à l’Agence pour le Développement de l’Administration Electronique (ADAE), et j’y attache une très grand importance personnelle, est de réaliser des outils pouvant aider concrètement les personnes handicapées. Actuellement, elle élabore un référentiel de l’accessibilité, comportant l’ensemble des règles et des recommandations techniques; il sera à la disposition des administrations qui l’utiliseront également pour leurs intranets afin que tous les agents de l’Etat puissent accéder à l’information. Par exemple, pour que tous les sites publics soient accessibles aux malvoyants et aux non- voyants, que ce soit par la lecture Braille ou la synthèse vocale. En travaillant pour les personnes handicapées, on est obligé d’apporter une simplification qui bénéficie à tout le monde. Mais la réponse technologique ne suffit pas, des efforts doivent être faits pour améliorer l’accueil des administrés au téléphone ou au guichet, il ne faut pas oublier l’accompagnement humain. J’ai recensé les bonnes pratiques et gratifié celles et ceux qui en sont à l’origine, j’ai la volonté de les diffuser et de créer une émulation positive.

Question : Les matériels et les logiciels qui mettent à égalité les personnes aveugles ou malvoyantes avec les voyants coûtent très cher. Il en est de même pour certaines personnes handicapées motrices. Le développement de l’Administration électronique et de l’informatique personnelle, récemment réaffirmé par le Premier Ministre, prévoit- il de contribuer au financement de ces matériels ?

Henri Plagnol :
 La prise en charge du surcoût lié au handicap, en ce qui concerne l’accès à Internet, est de la compétence du Ministère des finances et du Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées. Pour ma part, je souhaite labelliser les Espaces Publics Numériques qui se rendent accessibles et se dotent d’équipements destinés aux personnes handicapées. Il faut leur faire savoir où elles peuvent s’adresser, comme à l’Association Valentin Haüy à Paris ou à l’Unadev à Bordeaux. Ce n’est pas par la contrainte que l’on va avancer, mais par l’incitation et l’émulation positive. Le rôle de la puissance publique est de garantir aux personnes handicapées une qualité de service public.


Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2003
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