L’arsenal des mesures mises en place par l’Agefiph et destinées à favoriser l’embauche des travailleurs handicapés dans les entreprises comporte une action peu utilisée : la convention d’objectif. Elle permet à une entreprise de réaliser des recrutements, des formations professionnelles, des actions internes d’information et de sensibilisation avec un cofinancement par l’Agefiph selon des modalités précises. La portée d’une convention est toutefois limitée par son caractère « de gré à gré » : à la différence de l’accord de branche ou d’entreprise (120 sont actuellement valides) prévu par l’article L.323-8-1 du Code du Travail, elle ne permet pas à l’entreprise de s’acquitter de l’obligation d’emploi. La contribution au Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (FIPH) continue à être due dans son intégralité.

Pour l’Agefiph, la convention est un moyen de mettre en oeuvre dans les grandes entreprises une stratégie à long terme à l’égard des travailleurs handicapés. L’organisme apporte son ingénierie, dresse un bilan d’actions à entreprendre et détermine avec l’entreprise des objectifs. « L’entreprise doit être volontaire, précise le président de l’Agefiph Rémy Jouan, pour intensifier son action. De nombreuses entreprises sont intéressées par notre intervention, ce qui va nous conduire à limiter ce genre de conventions. Nous voulons des résultats, nous ne voulons pas financer sans contrepartie ». Une douzaine d’entreprises ont choisi d’élaborer une convention, sur les 49.000 établissements qui versent une contribution annuelle au FIPH.

« La négociation d’une telle convention est un processus long et complexe, estime Roya Moreau (Acore RH), elle nécessite un travail interne à l’entreprise afin de déterminer des besoins et des objectifs, ainsi qu’une élaboration avec les services de l’Agefiph. Cela mobilise de nombreuses personnes pour un résultat ténu ». En effet, les contraintes particulières du marché du travail des personnes handicapées demeurent. Il est difficile, pour les entreprises, de trouver des salariés correspondant aux profils recherchés, d’autant que les rémunérations de départ sont loin d’être attractives. Par exemple, le Crédit Lyonnais ne recrute que des Conseillers clientèle à Bac+2 avec préférence pour les jeunes diplômés en BTS Action Commerciale et avec un salaire de 110% du Smic hors primes. Philippe Le Rest, responsable de la Cellule Intégration du Crédit Lyonnais, précise « trouver difficilement des candidats correspondant aux profils recherchés ».

Ce que confirme sa collègue de la Société Générale, Marie- Thérèse Amodeo, responsable de la logistique à la Direction des ressources humaines. Son entreprise réfléchit à l’intérêt de renouveler sa convention en évaluant le coût de sa mise au point et de sa réalisation : pour la seconde convention, la Société Générale a perçu 158.000 euros de cofinancement Agefiph (pour deux années) alors qu’elle a versé, en 2002, 3.020.000 euros au FIPH ! La banque se pose la question de la rentabilité de l’opération : ne coûte- t-elle pas plus qu’elle ne rapporte?

Au sein du Groupe Accor (secteurs principaux : hôtellerie, restauration, tourisme et services), Françoise Darmon anime la Mission Insertion des Personnes Handicapées créée il y a plus de 10 ans au terme d’une réflexion des dirigeants sur le rôle citoyen de l’entreprise. Dans un groupe dont l’activité productive est éparpillée dans des centaines d’établissements, la globalisation du quota d’emploi est imprécise, dépendante de la remontée d’informations de la part de chaque entité. Le recrutement est placé sous la responsabilité de chaque dirigeant d’établissement ce qui multiplie les interlocuteurs de la Mission et rend complexe le processus d’information et de sensibilisation à l’emploi de travailleurs handicapés. Dans le cadre des conventions Agefiph, la Mission a réalisé des supports spécifiques : un film composé de témoignages d’employés et de cadres, et une plaquette documentaire régulièrement actualisée. Françoise Darmon assure pourtant que « malgré la diversité de nos métiers, nous ne trouvons pas forcément les travailleurs handicapés dont nous avons besoin ». De 160 recrutements lors de la première convention (1995- 1997) tous types de contrats confondus, elle estime que l’objectif de 120 emplois dans le cadre de la convention en cours sera difficile à atteindre.

Chez Vedior Bis (travail temporaire), c’est le besoin de reclasser des intérimaires accidentés du travail qui a conduit à conclure une convention. Depuis, son action s’est étendue aux salariés permanents. Ici encore, l’éparpillement des établissements rend difficile les actions d’information et de sensibilisation. C’est pourtant la coordinatrice nationale Travailleurs Handicapés, Séverine Reboulet, qui effectue les recherches lorsqu’elle a connaissance d’un poste à pourvoir tout en reconnaissant rencontrer des difficultés à trouver les compétences recherchées « en temps et heure ». La première convention Vedior Bis affiche 18 emplois en CDD et CDI.

12 entreprises sont actuellement liées par une convention : Renault (automobile), Crédit Lyonnais et Société Générale (banque), Castorama (bricolage), Lafarge (construction), Accor (hôtellerie, restauration, tourisme et services), Adecco, Adia, Vedior Bis (intérim), Péchiney (métallurgie), Sin et Stes (nettoyage), Atofina (pétrochimie), France 3 (télévision).

Laurent Lejard, mai 2003.

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