Nous avons demandé à Jacques Chirac de s’exprimer, à l’occasion du deuxième tour de l’élection présidentielle, sur sa perception et sa philosophie du handicap. Il a bien voulu nous remettre le texte des propos qu’il a tenu lors d’une visite privée dans un établissement spécialisé corrézien.

« C’est évidemment, pour moi, une joie de revenir dans l’un de ces établissements, qui appartiennent à ce qui est devenu un grand ensemble que j’ai présidé pendant près de vingt- cinq ans. C’est sans aucun doute, l’une des fonctions auxquelles j’aurai été le plus attaché. J’y ai rencontré des élus impliqués avec beaucoup de coeur. J’y ai rencontré un personnel d’une compétence et d’un dévouement, je le disais à l’instant, exceptionnel et qui justifie le fait qu’étant un peu loin des grands centres, ce personnel est fidèle. Je veux dire par là qu’il reste longtemps. Ce qui est tout à fait capital pour les pensionnaires.

Et enfin, je voudrais dire que si je suis très attaché à ces centres, c’est parce qu’il faut savoir que les personnes qui souffrent d’un handicap, on ne dira jamais assez que, quand on leur donne quelque chose, on reçoit toujours beaucoup, beaucoup plus en échange. Ces dernières années, le regard sur le handicap a heureusement changé.

J’ai connu l’époque où le handicap vivait un peu caché. Aujourd’hui, il a été légitimement réhabilité. Ce qu’hier encore était suspect, caché, aujourd’hui rencontre de l’écoute, de la reconnaissance et une plus grande attention. Avec les lois de 1975 et de 1987, que j’ai eu l’honneur de faire voter par le Parlement, on est passé ainsi de la charité individuelle à la solidarité nationale; de l’isolement à l’exigence d’intégration dans le monde du travail. Malgré ces avancées, ces progrès indiscutables, les besoins des personnes handicapés et de leurs familles sont encore des besoins considérables, comme vient d’ailleurs de le montrer le grand débat sur l’arrêt Perruche dans l’opinion publique. Besoin de respect, besoin de participation à la vie sociale, mais aussi besoin de solution éducative, d’autonomie et d’aide à la personne et aux familles qui ne peuvent pas tout assumer seules, bien entendu. Et face à cette situation, il faut donner – en tous les cas s’est ma conviction dans le cadre de ce que j’ai fait depuis trente ans, de l’engagement qui est le mien depuis trente ans – un nouvel élan à notre politique d’aide aux personnes handicapées pour passer en quelque sorte d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

D’abord, il faut lancer un plan d’urgence qui, maintenant, se justifie pour apporter une aide immédiate aux personnes qui sont très lourdement handicapées et à leurs familles qui sont souvent des familles démunies ou des familles isolées. Il faut également répondre aux besoins insatisfaits en matière d’accueil et d’hébergement. Ceci en augmentant sensiblement le nombre des créations de places. Il faudrait commencer très vite.

Ensuite, il faut mettre la personne handicapée au coeur de notre action, en reconnaissant, pour chacun, le droit à compensation. Nous devons passer d’un système d’aide légale, qui a été déjà un progrès important par rapport au passé naturellement, à des plans d’aide personnalisés, tenant compte des besoins évolutifs de chacun, et définis au sein d’une sorte de guichet unique par une équipe pluridisciplinaire avec la personne concernée et avec sa famille.

Enfin, il faut répondre aux problèmes cruciaux que sont l’absence de solution éducative pour quelque 20.000 enfants handicapés et aussi l’insuffisance de nos dispositifs d’aides face à l’allongement de la durée de la vie des personnes handicapées comme de toute autre personne, mais qui posent des problèmes spécifiques et particuliers, et notamment des problèmes de maisons de retraite ou de structures permettant la retraite.

Alors pour élaborer et veiller à la mise en oeuvre de cette politique, il faut une grande concertation. Il y a des associations qui sont compétentes, qui sont dévouées, qui sont extrêmement ouvertes à la discussion, et c’est avec elles qu’il faut établir ce nouveau plan, cette étape nouvelle de la solidarité au sein de notre société à l’égard des personnes handicapées et de leurs familles qui, c’est vrai, ont besoin de nous, comme d’ailleurs, ne vous y trompez pas, nous avons besoin d’eux ».

Déclaration de Jacques Chirac en visite privée au Centre « Les Tamaris » à Sornac, le samedi 13 avril 2002, lors de son déplacement en Corrèze.

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