Dès septembre 2002, sous l’ère Marie-Thérèse Boisseau, alors Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, j’avais mis en avant la nécessité d’une réforme de l’Allocation Adulte Handicapé, allant dans le sens d’un revenu minimum d’existence cumulable et imposable, car c’était d’évidence la seule solution pour être en adéquation avec l’esprit de ce qui deviendra la loi du 11 février 2005. C’est-à-dire donner aux personnes autrement capables les moyens de vivre une existence vraiment autonome, digne et responsable. À l’époque, il m’a été répondu que « les personnes handicapées n’étaient pas mûres pour une telle réforme » (sic). Puis, sous l’ère Marie-Anne Montchamp, successeur de Marie-Thérèse Boisseau, j’entendrai un jour dire qu’il était « hors de question de réformer l’A.A.H et, si cela ne dépendait que de moi, je la mettrais au niveau du R.M.I » !

Ce n’est que depuis septembre 2006 que l’idée d’un revenu minimum d’existence commence à être comprise et admise par le gouvernement. Suite à une action provoquée alors par la Coordination Handicap & Autonomie (C.H.A), Philippe Bas, actuel Ministre en charge des personnes handicapées, fera une saisine du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées afin qu’il étudie un projet de réforme de l’A.A.H s’appuyant sur notre revendication originelle.

C’est pourquoi la C.H.A a finalement décidé de s’associer à la manifestation du 12 décembre prochain organisée par l’Association des Paralysés de France et sept autres organisations, en faveur de cette réforme des ressources. Bien que cette manifestation soit très controversée dans la forme et dans le fond (pourquoi, notamment, avoir choisi une date aussi proche du Téléthon, au risque de susciter une confusion susceptible d’être préjudiciable aux deux événements ou encore un tel coût d’organisation, difficilement justifiable aux yeux de très nombreuses personnes ?) il nous a paru nécessaire de soutenir un mouvement qui va dans le sens du travail et des concertations que nous menons maintenant depuis des années.

En fait, au-delà de l’importance, nous semble-t-il, de défendre la position qui est la nôtre depuis 2002 (un revenu minimum d’existence avant tout et par-dessus tout, reposant sur le principe qu’il faut d’abord obtenir mieux avant de vouloir plus, donc obtenir urgemment une égalisation des droits entre personnes handicapées et citoyens lambda) il nous paraît indispensable de mettre notre vécu de personnes directement concernées par le problème des ressources au service de cette cause.

Ainsi, alors que le 3 décembre 2002, Jacques Chirac disait dans un discours : « Je souhaite aussi que les possibilités de cumul entre des revenus du travail et des allocations soient élargies pour favoriser l’accès au travail », à cause de cette promesse non tenue, je vais subir de plein fouet, à partir du 1er janvier 2007, les effets pervers et iniques de ce système complètement dépassé et en contradiction avec les notions d’autonomie et de citoyenneté. Parce que j’ai fait le choix d’être un citoyen engagé et responsable, en acceptant des activités rémunérées ponctuelles pour améliorer mes fins de mois et travailler comme tout un chacun (dont un rapport commandé par le ministère délégué aux personnes handicapées) je vais perdre le complément de ressources, les allocations logement et le tiers de mon A.A.H. Pour avoir pris le risque de travailler et avoir gagné en moyenne environ 800€ par mois, je n’aurai plus que 474€ d’allocations pour survivre l’année prochaine ! Une situation aussi humiliante qu’inconséquente. Dont nous sommes beaucoup trop nombreux à faire les frais, parce que notre conjoint(e) travaille plus d’un mi-temps ou parce que nous travaillons (trop ou pas assez !) nous-mêmes, en dépit de tout bon sens et de toute logique. D’autant que le revenu minimum d’existence que nous réclamons ne coûterait quasiment rien à l’État mais pourrait lui rapporter des dividendes par le truchement de l’imposition, entre autres.

Comment peut-on nous offrir, d’un côté, une réelle autonomie, par le biais de la prestation de compensation du handicap et, de l’autre côté, nous maintenir dans un assistanat d’un autre âge, par le biais de ressources qui n’en sont pas ? Une existence au rabais, en somme. Nous le refusons. Et nous n’aurons de cesse, tant que nous ne serons pas entendus. Ce vers quoi il semblerait que nous nous dirigions, au vu de quelques retours prometteurs. Un certain nombre d’élus paraissent désormais convaincus par nos arguments et décidés à les défendre.


Marcel Nuss, président de la Coordination Handicap et Autonomie, décembre 2006.

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