États-Généraux, décidément ce syndrome de la Grand-Messe frappe à répétition. Après le patronage Kristeva- Gardou, voici que trois syndicats d’infirmiers libéraux s’apprêtent à faire croire à la Nation que les pouvoirs publics sacrifient le soin à domicile sur l’autel du déficit de la Sécurité Sociale. Le 23 juin, la Fédération nationale des infirmiers (F.N.I), l’Organisation nationale des syndicats infirmiers libéraux (Onsil) et le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) vont présenter leurs doléances : les malheureux ne peuvent plus facturer les actes par dizaines de milliers, ils sont contingentés à 24.000 coefficients d’actes chaque année et ne peuvent dépasser un revenu brut annuel de 69.600 €, soit 110 coefficients d’actes chaque jour de travail…

On peut légitimement se demander comment un infirmier peut parvenir à tant facturer. Bien des personnes handicapées connaissent la réponse : facturation d’actes non effectués. Cette pratique est courante parmi les professions médicales et para- médicales, le praticien qui s’estime mal rémunéré fait signer à son client des feuilles de soins et, si ce dernier lui fait confiance, c’est tout bénéfice. Si le client constate la supercherie, il n’est pas rare que le chantage à l’arrêt des soins soit invoqué, synonyme de galère (lire ces témoignages). Il devient de plus en plus difficile de trouver un kinésithérapeute qui se rende à domicile, quant aux infirmiers, ils privilégient les soins les plus rapides et les mieux rémunérés.

Il n’est pas rare que des syndicats couvrent des pratiques douteuses en invoquant une « maltraitance » professionnelle. Par exemple, les restaurateurs protestent contre les contrôles de l’Administration parce que cela les oblige à jeter des denrées périmées (mais payées) et à rémunérer correctement leur personnel. Il en va de même pour les infirmiers, qui tiennent à conserver la clientèle captive des personnes handicapées, qu’ils consentent à soigner quand ils n’ont pas assez de travail avec les malades à domicile. Pourtant, l’émancipation des personnes handicapées dépendantes a permis d’obtenir une grande avancée, la délégation de soins, une mesure qui légalise et sécurise un acte précis effectué par un aidant dûment formé au préalable. Cette délégation de soins procure une grande liberté d’autonomie et de déplacement, la personne n’est plus dépendante du bon vouloir d’un professionnel de santé, elle peut sortir, voyager, recevoir librement, mener la vie qu’elle veut. Et s’affranchir également du statut de « malade » qui lui est imposé par la profession infirmière : un malade ne va pas prendre l’air quand le coeur lui en dit…

Et si la raison essentielle du fossé qui s’est creusé entre personnes handicapées et infirmiers était tout simplement le respect du choix de vie ?

Laurent Lejard, juin 2005.

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