L’hebdomadaire L’Express a publié cette semaine une édifiante interview croisée de Ségolène Royal, Députée et présidente du Conseil Régional Poitou Charente, et de la psychanalyste Julia Kristeva. L’ancienne Ministre des personnes handicapées durant la période 2001- 2002 critique la nouvelle loi d’égalité des droits et des chances qu’a fait adopter Marie- Anne Montchamp en février dernier. Sans vraiment prendre position : Ségolène Royal estime que la loi n’a pas amélioré les revenus des « handicapés » (sic) parce que ce sont les associations qui le disent. Elle relève que les décrets d’application de la loi du 11 février 2005 n’ont pas été publiés 60 jours après la promulgation du texte, tout en oubliant que ceux de la loi Gillibert du 13 juillet 1991, relative à l’accessibilité, ne l’avaient pas été 626 jours plus tard, date de la chute, lors des élections générales, de la majorité de gauche qui l’avait portée ! Ces décrets attendirent deux années de plus, l’application de la loi prit quatre ans de retard…

Ségolène Royal s’interroge sur la nécessité d’une loi « alors que, sur le terrain, la situation régresse ». Que ne l’a-t-elle proclamé lors des débats à l’Assemblée Nationale ! Mais elle n’y prit pas la parole. Elle avait pourtant, durant ses fonctions ministérielles, relancé la réforme de la loi d’orientation du 30 juin 1975, chargeant Vincent Assante d’une mission d’étude et de propositions. Et, sollicitée à trois reprises l’an dernier pour s’exprimer, en tant que Députée de l’opposition et ancienne ministre concernée, Ségolène Royal n’avait pas jugé utile de répondre à nos propositions d’interview.

Selon Ségolène Royal, l’insertion des enfants handicapés à l’école ne serait qu’une question de budget et d’emplois. Elle affirme dans le même temps que le programme Handiscol, qu’elle a initié, a multiplié par dix le nombre d’enfants handicapés scolarisés. Or, l’un des aspects particuliers d’Handiscol était ne pas reposer sur un budget particulier mais d’utiliser des structures existantes : c’est ainsi que le numéro d’appel national aboutit au Centre national d’études et de formation pour l’enfance inadapté (Cnefei) installé à Suresnes (92). Quant aux près de 2.000 auxiliaires de vie scolaire de l’époque, la plupart étaient embauchés en contrat précaire « Emploi jeune » par des associations, dans le cadre d’un dispositif de droit commun et sans moyens supplémentaires.

Mais ce qui est davantage révélateur de la perception de Ségolène Royal est son emploi du terme « handicapés » : pour elle, comme pour d’autres, ce ne sont pas des « personnes ». Ces personnes-là, elle ne voulut d’ailleurs pas les rencontrer lorsqu’elles s’invitèrent à son Ministère, le 11 mars 2002, pour réclamer un plan d’urgence en faveur des grands handicapés moteurs dépendants. Ce sont des membres de son cabinet qui les reçurent, les écoutèrent poliment… et sortirent de leur cartable un plan tout prêt… qui fut mis en oeuvre par la Ministre suivante, Marie- Thérèse Boisseau.

Verra-t-on Ségolène Royal lors des Etats-Généraux voulus par Julia Kristeva le 20 mai prochain? Rien n’est encore sûr. Mais il lui faudra certainement potasser davantage ses propositions pour être crédible en opposante…

Laurent Lejard, avril 2005

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