Le projet de loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, continue de susciter des contributions philosophiques et celle que vient de livrer le G.F.P.H mérite qu’on s’y arrête. Les auteurs, à la différence de bien d’autres, ne s’arc- boutent pas sur le concept de « situation de handicap » si mal compris par la plupart de ceux qui l’emploient : naguère Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Marie- Thérèse Boisseau mettait cette « situation de handicap » à toutes les sauces. Et bien des élus et décideurs de tous bords utilisent une expression qu’ils pensent être « politiquement correcte ». A croire qu’on finira par parler de « personnes en situation de validité » pour désigner les valides !

Le G.F.P.H rappelle l’impact essentiel de l’environnement et du cadre de vie sur l’autonomie et les activités accessibles aux personnes handicapées, et les évolutions liées à l’âge et au niveau socioculturel. En clair, deux paraplégiques ne vivent pas le même handicap sociétal selon que l’un est jeune, a suivi des études supérieures, est issu d’un milieu aisé (ou a perçu une importante indemnité) et que l’autre est un ouvrier victime d’un accident du travail mal indemnisé, sans diplôme supérieur à un B.E.P et vivant en H.L.M. Pour le premier, la paraplégie est un « accident de parcours » dont il se remettra « naturellement »; pour le second, elle sera un gouffre et un enfermement. Pour excessive qu’elle soit, cette comparaison montre bien qu’une déficience identique ne se vit pas de la même manière. Il est utile que les mécanismes de compensation mis en place par la Société en tiennent compte et soient davantage personnalisés. Mais ils demeureront limités par la capacité de chacun à se regarder en face, à trouver des ressources mentales pour accepter des caractéristiques physiques, sensorielles ou intellectuelles différant de la norme.

La grande lacune du Droit français réside dans la législation contre toutes les formes de discrimination. Dans notre pays, la protection des biens est placée au-dessus de tout, les Sénateurs l’ont bien montré en exemptant les logements privés de l’obligation d’être conçus accessibles. Ils ont, de fait, reconnu aux propriétaires le droit de refuser à de futures personnes handicapées (par accident, du fait de l’âge…) l’accès de leur domicile. Il en va de même pour les commerces de proximité ou les bâtiments historiques; dans ces derniers, on pourra continuer d’effectuer des travaux destructifs pour satisfaire à l’évolution des normes de sécurité, et on pourra continuer à refuser l’accessibilité.

La loi traduit dans le Droit les mentalités des citoyens. A cet égard, le projet de loi d’égalité des droits et des chances, bouleversé à chaque examen dans les assemblées parlementaires, est le reflet de la place que la Société laisse aux personnes handicapées : des êtres « autrement capables »… mais de quoi ?

Laurent Lejard, novembre 2004.

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