L’examen par le Sénat en seconde lecture du projet de loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a suscité de nombreuses réactions courroucées. Visiblement, aucun acteur associatif n’approuve franchement le texte adopté par des Sénateurs qui ont voulu revenir sur « leur » texte, celui qu’ils avaient adopté en mars dernier et qui a profondément été amendé par l’Assemblée Nationale trois mois plus tard.

L’Association des Paralysés de France affirme que le Sénat « vote pour une France inaccessible » et critique la suppression du délai de 10 ans pour la mise en accessibilité des transports, la possibilité de dérogations économiques pour le cadre bâti et l’exclusion de nombreux commerces de l’obligation de mise en accessibilité. Le Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes (C.N.P.S.A.A) déplore que les sénateurs soient allés « jusqu’à remettre en cause des acquis importants obtenus en première lecture », regrettant également l’obstruction gouvernementale face à certaines initiatives parlementaires; le Comité constate la suppression de la garantie des droits acquis au titre de l’actuelle allocation compensatrice, l’absence d’amélioration du calcul de la retraite anticipée et le refus d’introduire l’audiodescription dans les programmes télévisés. L’Unapei regrette quant à elle un accroissement de la complexité administrative des démarches et des droits à prestations; l’Union dénonce la parité de représentation des personnes par des associations gestionnaires et non gestionnaires. Le Mouvement des Sourds de France, pour sa part, semble soulagé que la Langue des signes française soit encore sauvée, insistant sur le fait que ce soit la personne qui puisse choisir de la présenter lors d’un examen ou d’un concours. La Fédération nationale des infirmiers s’oppose à ce que des actes de soins puissent être effectués par des tierce- personnes dûment formées au titre d’une Délégation de soins; l’Association Française contre les Myopathies approuve cette mesure, rappelant qu’elle garantit les personnes vis à vis du grief d’exercice illégal de la médecine, ajoutant qu’il « n’est pas pensable qu’il puisse être utilisé pour alimenter des revendications catégorielles ».

Le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées en appelle au Président de la République afin qu’il s’oppose à la représentation à parité des personnes handicapées par des associations gestionnaires et non gestionnaires. Cette disposition voulue, portée, par le Sénateur Nicolas About est en revanche saluée par le Collectif des Démocrates Handicapés, qui dénonce toutefois « une loi sans budget et anti- démocratique » malgré quelques progrès, telle « la récupération des subventions publiques aux entreprises handiphobes ». Le C.D.H estime que le texte « ne garantit pas aux personnes une complète autonomie et une pleine participation à la vie de la cité ». Un collectif de 25 associations mené par l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés condamne l’introduction d’une restriction à l’intégration scolaire lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent la communauté des élèves; ces organisations affirment que les sénateurs « légalisent l’exclusion et la stigmatisation accentuant le recul de la France par rapport aux autres pays européens » et appellent à un « sursaut citoyen ». Enfin, le Club Gauche et Handicap se félicite du rejet du texte par l’ensemble des Sénateurs de gauche et dénonce « une véritable régression, notamment en matière d’éducation et d’accessibilité »; il brocarde l’état du chantier initié par le Président de la République : « C’est le sens familier du mot chantier qu’il faut retenir : celui d’un lieu de désordre, d’imprécision et de confusion ».

La loi d’orientation du 30 juin 1975 fut adoptée à l’unanimité par les parlementaires. Trente ans après, le texte qui la réforme cristallise le mécontentement et le rejet. Le jeu politique n’est plus l’apanage des partis, il gagne quelques associations. Le troisième chantier présidentiel semble bien mal en point…

Laurent Lejard, octobre 2004.

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