La psychanalyste Julia Kristeva a récemment présenté au public et à la presse la campagne médiatique initiée par le Comité National Handicap (créé en avril 2003 dans les locaux du Ministère de la santé et des personnes handicapées). Sous le titre « changeons le regard », sept saynètes de 50 secondes environ, diffusées en mai 2004 sur les trois chaînes de France Télévision, présenteront au grand public différents aspects de la vie de « personnes en situation de handicap ». Madame Kristeva veut s’appuyer sur cette campagne de publicité pour lancer un grand débat national sur le handicap devant aboutir à des Etats- Généraux (très) parisiens début 2005. Il lui faudra toutefois acquérir une meilleure pratique de la démocratie : notre psychanalyste a en effet eu fort affaire avec les membres de son Comité, nombre d’entre eux ayant publiquement critiqué le contenu des spots présentés, protestant n’avoir pas été consultés lors de l’élaboration de la campagne.

Chaque spot (par ailleurs remarquablement réalisé par Jean- Marc Gosse) se conclut par un message: « Unetelle atteinte de cécité », « Untel souffre de paraplégie ». Et là on ne comprend plus: pour qui les personnes handicapées sont- elles prises ? Que montre- t-on dans cette campagne: des malades, des victimes, des sujets d’étude ? Dans les spots, le réalisateur nous montre des individus positifs, bien dans leur peau, assumant leur condition, fiers de ce qu’ils sont. Et voilà que le message final signé Julia Kristeva assène que ces gens heureux sont en fait des souffrants qui s’ignorent, « qu’abolir la souffrance est une fausse idée, que l’humain qui souffre est un humain » (sic).

On ne prétendra certes pas retirer à une psychanalyste son fonds de commerce, mais il est fort probable que notre quête du bonheur ne passera pas par la case Kristeva…

Laurent Lejard, avril 2004.

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