Samedi dernier, en milieu d’après-midi. Une dame aveugle est postée à l’entrée d’un centre commercial. Elle agite dans l’une de ses mains un tronc en fer blanc, sollicitant les nombreux passants « pour les associations d’aveugles ». De l’autre main, elle tient sa canne blanche, verticale, figée. Il y a foule, personne ne s’arrête, c’est la Journée Nationale des Aveugles. Qu’en retiendront les clients pressés ? Qu’ils ont « vu une dame aveugle faisant la mendicité » ? Que « c’est pitoyable au troisième millénaire » ? Qu’on se demande bien « ce que fait l’État avec nos impôts » ?

Certes, l’effort de l’État et des collectivités locales demeure insuffisant en rapport aux besoins des personnes handicapées. Certes, les associations doivent faire appel à la générosité de nos concitoyens pour financer une partie de leurs activités qui viennent pallier les lacunes de l’action publique.

Mais pas à n’importe quel prix : la charité publique ne fait pas bon ménage avec la fraternité citoyenne. Il faut aujourd’hui expliquer la vie des personnes handicapées, montrer pourquoi elles ont besoin de l’aide des « simples gens » et aussi de leur soutien financier, par la discussion, par des actions de solidarité, au moyen de manifestations qui privilégient l’échange. Pour faire évoluer les mentalités vers une acceptation de ces handicaps qui font encore si peur. Pour vivre ensemble, citoyens à part entière.

Laurent Lejard, octobre 2001.

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