Les maisons d’assistantes maternelles (MAM) fleurissent un peu partout, mais celle d’Ergué-Armel (Finistère, en bordure de Quimper) a eu une particularité : ses trois fondatrices ont décidé que chacune s’occuperait d’un enfant handicapé ou atteint d’une maladie chronique sur les quatre qu’elles accueillent. Une maison joliment nommée Bulle de Coton. Ce « cocon-bulle » ouvert depuis avril 2018 reçoit les jours de la semaine douze enfants. Un contrat est conclu avec les parents qui sont donc dans le statut de particuliers-employeurs. Dans le cadre de l’accueil maternel, les enfants sont reçus à partir de leur deuxième mois et demi, sans âge limite, mais généralement cet accueil s’interrompt dès l’entrée à l’école. Les assistantes maternelles sont agrées individuellement par les services de la Protection Maternelle et Infantile. Dans le cas de Bulle de Coton s’ajoutent l’élaboration d’un projet pédagogique contrôlé par la PMI, la conformité à la réglementation des Établissements Recevant du Public en matière de sécurité et d’accessibilité et une autorisation d’ouverture délivrée par la Mairie, un parcours plus contraignant mais logique dans son déroulement et réalisé ici en huit mois.

L’idée est venue d’Anne Lider-Velly. « Mon troisième enfant est né handicapé, et je me suis installée assistante maternelle à domicile pour recevoir deux autres enfants d’une amie, Pauline Moreau, et m’occuper de mon fils. On a constaté la richesse de nos enfants, du partage entre eux et leurs parents. Cette richesse de mixité, nous avons voulu la partager avec d’autres. » Pauline Moreau s’est à son tour faite agréer assistante maternelle : « On a fondé ensemble Bulle de Coton, et décidé de garantir une place d’accueil sur les quatre agréées pour recevoir un enfant à besoins spécifiques. Nous sommes persuadées de la richesse de cet accueil pluriel car nous l’avons vécu. » La troisième maman qui a rejoint la structure adhère à ce projet, et la MAM Bulle de Coton est au complet. Douze bambins apprennent à vivre ensemble, avec la mucoviscidose de l’un, les malformations congénitales d’un second et les troubles gastro-pulmonaires du troisième. Des prestataires de services ont enseigné aux assistantes maternelles les gestes nécessaires, un suivi est assuré par un infirmier coordinateur qui travaille en réseau avec le secteur pédiatrique de l’hôpital de Quimper. Enfin, des professionnels de santé viennent à Bulle de Coton pour les soins des enfants.

Un fonctionnement qui serait fluide, sans problème, si ce n’est que les enfants handicapés ne peuvent être accueillis à temps-plein; deux jours sont consacrés à leurs soins, ce qui génère un souci financier : les assistantes maternelles sont rémunérées en prix de journée avec une souplesse limitée. Le contrat conclu avec chaque parent prévoit en effet un pourcentage d’heures payées mais non effectuées, il ne couvre pas un accueil à temps-partiel, trois jours par semaine au lieu de cinq par exemple. « On n’a pas trouvé de montage financier pour couvrir les deux jours d’absence des enfants handicapés », précise Anne Lider-Velly. Le nombre d’enfants par assistante maternelle est plafonné à quatre, sans possibilité de combler les absences prévisibles en recevant un autre enfant. Bulle de Coton n’a pas voulu moduler le tarif horaire selon que l’enfant est valide présent à temps-plein, ou handicapé accueilli à temps-partiel, et maintient son projet : « On refuse des enfants à temps complet, avec une perte d’argent sur les enfants handicapés. On cherche à poursuivre parce qu’il y a de la demande. On a saisi le Conseil Départemental qui n’a pas répondu, et la Maison Départementale des Personnes Handicapées qui a répondu par courriel que les parents pouvaient demander l’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé : ils la touchent déjà. Il nous faut trouver le moyen de continuer avec une allocation, une subvention [Bulle de Coton est une structure associative NDLR]. » La députée de la circonscription, Annaïg Le Meur, veut organiser une réunion de travail entre MDPH, Bulle de Coton et elle pour trouver une solution. « Ça devrait bouger, espère Anne Lider-Velly. Nous n’avons pas d’autres exemples à proximité, et rien pour nous conseiller. Mais on ne désespère pas. Tout le monde nous dit que c’est un beau projet, mais il doit être viable à long terme. On veut rester un accueil classique tout en recevant des enfants handicapés. C’est enrichissant pour tous les enfants et leurs parents. On veut garder cette énergie parce que c’est bénéfique pour nos enfants, et lever les barrières. »

Laurent Lejard, janvier 2019.

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