Ils étaient près de 500 à manifester devant ce qui était encore, ce 12 mai 2007, le ministère en charge des personnes handicapées. La plupart de ces parents, professionnels, représentants d’associations gestionnaires, venait de l’Essonne mais quelques panneaux et banderoles témoignaient d’un embryon de mobilisation nationale. Pourquoi donc, à quelques jours d’un changement de gouvernement, ces manifestants étaient-ils dans la rue ?

Alain Girard, maire de Crosne (Essonne), explique : « On doit donner aux associations départementales les mêmes moyens qu’aux associations nationales. Je dirige un établissement spécialisé, je ne sais pas si les postes créés à l’occasion du passage aux 35 heures seront pérennisés. Le ministère nous demande d’élaborer des contrats d’objectifs et de moyens, cette formalité demande des compétences techniques que les petites et moyennes associations n’ont pas ». En clair, le gouvernement avait octroyé une aide financière aux associations gestionnaires pour qu’elles puissent compenser une partie des emplois nécessaires au fonctionnement normal des établissements, à hauteur de 60% des postes supplémentaires. Prévue pour durer six ans, cette dotation arrive à échéance et ne sera pas reconduite, ce qui oblige les gestionnaires à faire des choix : « On place les établissements dans la situation d’une entreprise, explique Marjolaine Rose, maire de Marsang-sur-Orge, ville dans laquelle sont installés plusieurs foyers, I.M.E, ESAT. On se rend compte que depuis la loi de 2005, les moyens n’y sont pas, les postes créés pour le passage aux 35 heures ne sont plus financés alors que déjà il n’y a pas assez de personnel pour s’occuper des pensionnaires. Ce serait un recul pour la dignité de leur vie et les conditions de travail des professionnels si cela se concrétisait ». Marjolaine Rose explique que la simple rénovation de la cuisine de l’ESAT a pris 10 ans pour être réalisée : « La complexité des règles de financement oblige à batailler en permanence. On ne devrait pas avoir à faire cela ».

« Actuellement, les budgets accordés par l’administration de tutelle aux établissements ne correspondent pas à l’évolution des charges salariales, des dépenses d’énergie, de transport, d’alimentation, constate Christine Triolet-Fossaert, secrétaire générale de l’APAJH de l’Essonne. Les déficits sont compensés deux ans plus tard par une dotation financière, dans l’intervalle c’est la trésorerie des associations qui doit couvrir la différence ». Un mode de fonctionnement auquel des technocrates ont trouvé une solution qu’ils estiment idéale, en laissant les associations gestionnaires établir leurs priorités dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens. Les services de l’État demandent aux associations de les élaborer globalement, en incluant l’ensemble des établissements dont elles ont la charge, au besoin par le regroupement des petites structures. Après une mise à zéro des différents soldes budgétaires, par la compensation financière des déficits, une dotation budgétaire globale sera accordée pour cinq ans, en intégrant un coefficient de révision annuelle. Les associations gestionnaires ne seraient plus financées sur la base de projets d’établissement et d’activités destinées à l’éducation et l’épanouissement des pensionnaires, mais uniquement sur celle d’une bonne et saine gestion.

Placée sous le signe de l’économie d’échelle et de la rationalisation des dépenses, la mise en place des contrats d’objectifs et de moyens est accompagnée par les grandes fédérations nationales d’associations de personnes handicapées mais rejetée par nombre de structures départementales ou locales. Ces dernières ne retrouvent plus dans cette bureaucratie comptable les besoins des usagers que sont les personnes handicapées, et redoutent que les lieux de vie que devraient être les établissements spécialisés ne deviennent de simples structures de gardiennage.

Laurent Lejard, mai 2007.

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