L’Association Française contre les Myopathies (A.F.M) est l’initiatrice d’un livre, essentiellement destiné aux professionnels mais que les parents peuvent également lire, qui passe au filtre des théories psychanalytiques les fratries au sein desquelles se trouve une personne handicapée. Même si la préface fait la part belle aux « malades », c’est bien de handicaps diversifiés qu’il est question dans cet ouvrage de 250 pages qui rassemble quelques témoignages de personnes handicapées, des analyses de psychologues psychanalystes, l’ensemble coordonné par la journaliste Claudie Bert : « J’ai travaillé précédemment pour le service psychologie de l’A.F.M et écrit des articles dans ce domaine en tant que journaliste spécialisée dans les sciences humaines. Les frères et soeurs d’une personne handicapée sont toujours en difficulté. Nécessairement, il sont entravés dans leurs rapports affectifs, ils ne peuvent exprimer leur agressivité naturelle quand ils sont enfants, sont jaloux de l’attention porté à la soeur ou au frère handicapé sans pouvoir l’exprimer, se sentent gênés dans l’expression de leurs sentiments ». Si certains tirent des leçons salutaires de leur vie avec un parent handicapé, par une plus grande ouverture et attention aux autres, Claudie Bert estime que « charger » les enfants de la responsabilité d’une soeur ou d’un frère handicapé devrait être évité.

On ne trouve pourtant pas dans ce livre un tableau représentatif de la perception du handicap dans les fratries : les quelques personnes handicapées, ainsi que leurs frères et soeurs dont le témoignage est présenté, sont issues de milieux intellectuels ou aisés. « On n’a pas abordé les aspects sociaux et matériels, explique Claudie Bert. Il y a une souffrance supplémentaire quand les moyens financiers de la famille sont dirigés vers l’enfant handicapé. Mais les parents s’efforcent de ne pas priver leurs enfants ». La souffrance, pierre angulaire de l’édifice psychanalytique, parcourt l’ouvrage à l’instar de son pendant, la culpabilité. On aurait apprécié mieux comprendre la naissance et l’expression de ce sentiment exprimé par les membres des fratries interrogées : « La culpabilité se vit de part et d’autre, mais elle se projette parfois. Lire une agressivité dans le regard de l’autre est souvent une perception exagérée, une réaction mal interprétée. Les enfants absorbent l’opinion de leurs parents sur ce point ».

Claudie Bert ne rejette pas pour autant, même s’il n’est pas abordé dans l’ouvrage, l’impact de la culture judéo-chrétienne sur la perception du handicap, encore souvent ressenti comme une punition ou une épreuve (envoyées ou non par Dieu) : « La sensibilisation des Français au handicap a été tardive, et sur le mode caritatif, alors que dans d’autres pays elle s’est faite sur la base de l’égalité des droits. Les parents rêvent d’enfants à leur image. Alors, quand il naît handicapé, c’est une catastrophe. On a mis du temps à voir que les enfants handicapés avaient des capacités. Mais la naissance d’un enfant handicapé est mieux vécue dans les familles religieuses ou modestes, qui acceptent les enfants comme ils sont. La place de la soeur ou frère handicapé est déterminée par la famille et ses règles de vie ». A croire que l’atteinte narcissique est proportionnelle à l’élévation du niveau social des familles, un champ de recherche encore a défricher…

Laurent Lejard, mai 2006.


La fratrie à l’épreuve du handicap, sous la direction de Claudie Bert. Editions Erès, en librairie, 25€.

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