Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l’enfance, a récemment annoncé des mesures d’assouplissement des règles de l’adoption, accompagnées d’une « moralisation » des intervenants et d’un recensement des enfants français adoptables…

Agés de 39 et 46 ans, Marie-Claude et Alain Lecordier habitent une maison ancienne à 5 km de Coutances, petite ville du département de la Manche. Marie- Claude est kinésithérapeute à l’hôpital, Alain est agent des impôts. Tous deux sont aveugles. Ne pouvant pas avoir d’enfants, ils se sont résolus à entamer une procédure d’adoption : « nous avons pris contact avec l’association Famille Enfance Adoption. Son président est venu à la maison et après une longue discussion, nous a encouragé à entamer une procédure de demande d’agrément ».

Une procédure d’adoption presque ordinaire. Après réflexion, Marie- Claude et Alain ont décidé de ne pas faire état de leur cécité lors des premiers échanges de courriers avec la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS): « nous craignions que le fait que nous soyions aveugles ne bloque notre dossier ». L’étape suivante est appréhendée par toutes les familles candidates à l’adoption, c’est la visite de l’assistante sociale: c’est elle, en effet, qui est chargée de l’enquête d’adoption et qui émet un avis favorable ou non. « Elle a été très surprise en découvrant notre cécité mais a, sous forme de boutade, dit que nous avions raison de ne rien dire avant, on ne sait jamais comment peuvent réagir certains fonctionnaires ». Il est vrai que certaines des questions qu’elle nous a posées avaient rapport avec notre handicap: comment allions- nous faire pour les biberons, le bain, etc., mais tout s’est bien passé. Étape suivante, la rencontre avec la psychologue a pour objectif de vérifier les motivations des futurs adoptants et de les informer sur ce qui les attend avant et après l’arrivée de l’enfant. « Nous avons dû répondre à de nombreuses questions sur notre désir d’enfant, sur notre aptitude à faire face aux petites ou grandes difficultés que nous allions inéluctablement rencontrer ».

Un premier moment de grande joie. La réception de l’agrément est un moment de bonheur pour les familles adoptantes. « Nous savions que le plus dur était à venir mais plus rien désormais ne pouvait nous empêcher de combler notre désir d’enfant ». 5.000 enfants sont adoptés en France chaque année dont 4.000 viennent de l’étranger. Marie- Claude et Alain ont opté pour l’adoption à l’étranger et pour cela il leur fallait trouver une association qui accepte de servir d’intermédiaire. « Nous avons exclu d’aller chercher seuls un enfant à l’étranger ; trop compliqué ». Ils ont essuyé de nombreux refus. « Nous pensons que ces réponses négatives n’ont rien à voir avec notre handicap mais sont dues très probablement au nombre considérable de couples souhaitant adopter ». Enfin ils reçoivent la réponse favorable d’une association.

Une patience récompensée. C’est en 1996 qu’ils vont accueillir Baptiste à l’aéroport. « C’était, comme vous pouvez l’imaginer, un moment d’émotion intense pour nous deux ». Il faut signaler qu’entre le moment de l’obtention de l’agrément et l’arrivée de Baptiste, deux années se sont écoulées. Mais malgré tout, accueillir un enfant de 7 mois n’est pas chose facile. « Donner des antibiotiques par exemple, c’est simple pour tout le monde sauf pour nous. Il nous a fallu trouver des astuces ». Marie- Claude et Alain ont attendu presque trois ans avant de récidiver. Ils ont accueilli Eloïse en 1999. Comme Baptiste, Eloïse vient de Djibouti. « Nous tenons à ce que nos enfants aient une histoire commune ». Même si tout le monde leur dit qu’ils sont fous, ils ont décidé d’accueillir un troisième enfant. « Elle est née le 5 décembre dernier et devrait arriver à la maison en juin ou juillet prochain ». Ce délai de six à sept mois s’explique par les trois mois de rétractation possible des parents légitimes et par les nombreuses démarches administratives qui impliquent les adoptants, l’association, l’orphelinat et les États concernés.

Il est possible d’adopter à l’étranger sans se ruiner. L’adoption à l’étranger n’est pas forcément réservée aux couples fortunés : « nous avons eu des propositions de certaines associations qui étaient exorbitantes en terme de coût, jusqu’à 60.000 francs (9146 euros). Avec Vivre en famille, nous avons réglé des sommes allant de 5.000 à 7.000 francs par adoption (762 à 1.067 euros). » Ces sommes couvrent les frais de dossier, d’avion et d’orphelinat. Espérons que pour tous les couples de personnes handicapées désireux d’adopter, les procédures se déroulent aussi simplement que pour Marie- Claude et Alain. Mais il faut se contenter de le supposer car, là encore, il semble qu’aucune étude n’ait été réalisée en France pour que l’on puisse avoir une vue d’ensemble de la situation. Rappelons que l’adoption est de la compétence des Départements, que ce soit pour l’attribution des agréments ou l’habilitation des associations et organismes qui sont les intermédiaires entre enfants adoptables et familles adoptantes.

Abder Ragui, mars 2001

Renseignements utiles : Pour connaître les associations et organismes agréés, vous pouvez contacter La Mission pour l’Adoption Internationale. La famille Lecordier a été aidée par l’association Vivre en Famille – La source de Varenne – 61700 Champsecret – tél. : 02 33 37 96 07 – fax : 02 33 37 96 10.

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