Nous avons découvert Julia Tabath lors du dernier Téléthon. Cette jeune femme touchée par une amyotrophie spinale présentait un reportage qu’elle avait conçu et réalisé sur le thème du temps qui s’écoule et qui emporte ceux qui sont atteints par les maladies évolutives alors que les scientifiques conduisent des recherches au long cours. Un travail de pro pour cette ancienne étudiante en journalisme, titulaire d’une maîtrise universitaire dans cette matière. Durant ses études, elle a multiplié les stages dans tous les médias possibles : presse écrite, Internet, télévision, et même dans un ministère. Elle avait participé, en janvier 2002, à la première journée « Réussite et Handicap » voulue par Ségolène Royal alors ministre en charge des personnes handicapées : « Je me suis retrouvée dans un univers totalement différent, raconte Julia, au milieu des membres du Cabinet. Ils n’avaient pas l’habitude de travailler en équipe avec un journaliste ».

Julia apprécie le mélange des genres, le croisement des expériences. Le journalisme, elle y est venue un peu par défaut: collégienne, c’est plaider qui l’intéressait, elle voulait devenir avocate. Mais pour une adolescente française qui n’a jamais marché, affronter l’inaccessibilité des Palais de Justice et un métier nécessitant de nombreux déplacements s’est avéré irréaliste. Son goût pour l’écriture l’a alors fait s’orienter vers des études de journalisme. Après son baccalauréat littéraire, en 1997, elle suit de pair la préparation au concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure et obtient un Deug de lettre modernes, puis entre à l’Institut Supérieur de Communication de Presse et d’Audiovisuel en 1999. Elle a depuis travaillé à France 2, VLM (mensuel de l’Association Française de lutte contre les Myopathies), L’Express, Cityvox… Sans pouvoir obtenir davantage que des stages ou des « piges », pour des périodes limitées. Julia subit, comme la plupart des jeunes journalistes, la loi du marché et la politique d’emploi précaire des organes de presse. Mais ces emplois successifs lui ont permis d’apprendre les différents métiers du secteur, de la Publication Assistée par Ordinateur au secrétariat de rédaction en passant par le reportage.

« C’est en évoluant au milieu des valides que je montre que je peux travailler comme n’importe quel journaliste, même si j’ai des contraintes particulières dues à l’accessibilité. Cela complique ma recherche d’emploi, mais fait partie de mes démarches. Je ne mentionne pas mon handicap sur mon CV, et postule uniquement dans des rédactions que je sais accessibles en fauteuil roulant; je me renseigne toujours au préalable. C’est lors du premier entretien téléphonique que j’informe mon interlocuteur ». Julia ne pense jamais avoir été embauchée par pitié : « Les premiers jours, il y a toujours un peu de compassion dans l’attitude des gens, je dois dédramatiser le handicap, faire qu’il ne n’entre pas en cause dans mes relations professionnelles ».

Si Julia travaille ponctuellement pour des magazines spécialisés dans le handicap, notamment ceux de l’AFM, c’est dans la presse généraliste qu’elle souhaite faire carrière « pour montrer une autre réalité de la vie des personnes handicapées ». Quel média grand public lui donnera sa chance?

Laurent Lejard, mars 2003.

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