Originaire de Clermont-Ferrand, Florence Hugot a découvert le théâtre dans un atelier d’un Centre d’Aide par le Travail, ce qui lui a donné l’envie de poursuivre et de se perfectionner. Elle a intégré, il y a une douzaine d’années, la compagnie Création Ephémère dirigée par Philippe Flahaut et installée à Millau (Aveyron). Elle explique : « Une éducatrice de l’établissement de Clermont-Ferrand dans lequel je travaillais a appelé Philippe pour lui dire que je voulais continuer à faire du théâtre, en allant ailleurs ». Depuis, elle est devenue une quasi comédienne professionnelle : quasi, parce que si elle travaille régulièrement pour Création Ephémère, elle n’a pas le statut d’intermittent du spectacle. Elle est également ouvrière dans un Etablissement et Service d’Aide par le Travail, et se heurte, comme de nombreux autres comédiens handicapés, au système allocataire français qui ne permet pas à une personne orientée dans le milieu protégé de travail de percevoir l’allocation adulte handicapé et d’exercer une activité professionnelle rémunérée dans le milieu ordinaire. De ce fait, elle n’est pas payée pour son travail de comédienne.

« Je voulais essayer de voir comment je pouvais me développer personnellement à travers le travail de comédien, avoir des contacts avec les gens, montrer qu’on est capable de jouer ». Florence Hugot affiche sa préférence pour les rôles dramatiques, mais ne dédaignerait pas un répertoire comique. Il lui a fallu affronter la peur de la scène, avec une grande force de volonté. Et une importante capacité de concentration pour entrer dans la peau du personnage qu’elle doit jouer, un travail qui prend du temps. Avec d’autres comédiens, elle échange ressentis et expériences.

A 37 ans, Florence Hugot vit actuellement dans un foyer d’hébergement de personnes handicapées, de manière assez indépendante tout en restant proche de sa famille. Philippe Flahaut l’a rencontrée à l’occasion d’un stage, qui devait déboucher sur la création d’un spectacle : « Florence était là pour un mois. Lors du bilan final, je lui ai dit qu’on allait se revoir et je lui ai proposé l’année suivante un autre stage; là, elle a fait le choix, en quittant géographiquement sa famille, un copain, de venir à Millau ». Un vrai choix qu’il lui a fallu assumer sur le plan affectif et matériel.

Intégrée à Création Ephémère avec d’autres comédiens handicapés, Florence Hugot apprécierait également de travailler avec d’autres compagnies, de vivre de nouvelles expériences. Avignon Off était une première pour la compagnie de Philippe Flahaut et pour Florence Hugot. Ils y présentaient une pièce écrite par Eugène Durif, une adaptation du drame Oedipe Roi de Sophocle, texte violent dans lequel Florence Hugot se sent visiblement à l’aise, confirmant cette préférence par une réelle présence scénique. Philippe Flahaut utilise les capacités particulières de sa comédienne (notamment sa diction et son apparente fragilité) pour la diriger vers les rôles qui lui conviennent mieux : « Prendre la peau d’un personnage, c’est comme prendre la peau d’un mort; ce qui m’intéresse, c’est ce que Florence peut apporter à un personnage, la couleur qu’elle peut lui donner ».

« Sur scène, s’interroge Florence, je me demande parfois quel regard le public porte sur des comédiens différents comme nous. Je ressens leur inquiétude, au début de la pièce; après ça va, je suis dans mon personnage ». Elle a d’ailleurs apprécié l’ambiance détendue, conviviale du festival d’Avignon Off : « Des spectateurs sont surpris, ils portent sur nous un regard différent que dans la rue, d’autres sont contents. Je voudrais qu’ils gardent de l’émotion de notre spectacle ». Pari tenu ?

Laurent Lejard, août 2007.

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