Affoué Diane Goli réside en France depuis 1993. Elle a alors décidé de quitter son pays, la Côte d’Ivoire, qui commençait à vivre les troubles politiques qui ont ensuite dégénéré dans la partition en deux territoires occupés par des factions rivales. « Les grèves, les troubles rendaient impossibles la poursuite d’études supérieures ». Cela fait trois ans qu’elle n’a pas séjourné en Côte d’Ivoire, ce qu’elle faisait habituellement lors des grandes vacances.

A l’âge d’un an, la polio a atteint ses jambes. Ses parents ont pu la faire soigner en France : « Ils avaient les moyens de payer le voyage. Mon père est commissaire de police, ma mère secrétaire de direction. Les médecins ne voulaient pas me garder à l’hôpital et je ne passais que quelques mois en France ». Le reste du temps, elle vivait à Abidjan, scolarisée dans des établissements accessibles : « A la petite école, j’avais une aide humaine que mes parents payaient; elle portait mes affaires, m’aidait dans mes déplacements. En primaire, je devais me débrouiller seule, mes parents me conduisaient simplement à l’école. Mais ils ont dû payer de leur poche des petits travaux, pour construire des rampes d’accès quand les classes n’étaient pas accessibles. Il n’y avait ni aide de l’Etat, ni de la ville. En Côte d’ivoire, la plupart des enfants handicapés ne vont pas à l’école ». Affoué Diane se déplaçait plutôt debout, grâce à des orthèses de jambes, mais également en fauteuil roulant. Elle se souvient encore de la fatigue qu’entraînait la marche dans son lycée aux longs couloirs, mais également de la bonne cohabitation avec les enfants valides: « J’étais la seule élève handicapée. Ce n’était pas toujours facile, parfois il y avait des quolibets de la part d’autres élèves. Mais je n’ai jamais eu de problèmes avec les enseignants. J’étais une bonne élève, cette force m’est venue de mon handicap. Et de la volonté de mon père de me faire réussir des études ». En Côte d’Ivoire, elle est allée jusqu’au Baccalauréat, dans un système scolaire proche de celui de la France même si les enseignements en histoire, géographie et français sont évidemment axés sur l’Afrique.

« J’étais exemptée de sport, le handisport n’existait pas à l’époque ». Durant ses premières années françaises, elle découvrit la natation handisport, qu’elle put pratiquer en compétition, le dos ayant sa préférence; elle dut l’abandonner, privilégiant les études au rythme trop soutenu des entraînements. Son installation en France ne fut pas aisée, sa famille la surprotégeait, notamment ses frères et soeurs. Actuellement, elle partage avec sa plus jeune soeur son appartement de la proche banlieue de Paris : « Quand j’étais enfant et que je faisais de fréquents séjours en France, mes parents ont acheté cet appartement pour faciliter leur séjour ». Ce pied à terre simplifia son installation, et la mise en conformité des conditions d’attribution de l’allocation adulte handicapé avec la législation européenne lui assure un revenu minimum depuis 1997. Elle a entamé alors, parallèlement, des études d’anglais et de droit et prépare actuellement une thèse en droit public sur le thème « Personnes handicapées, respect des droits fondamentaux ». Elle espère pouvoir travailler par la suite comme juriste d’entreprise, ou dans une association, à moins qu’elle n’intègre l’enseignement supérieur. « J’aimerais pouvoir gagner ma vie. Et je voudrais un mari. Mais le handicap fait peur : entre la camaraderie et vivre ensemble… J’accepte mon handicap, mais ce n’est pas facile pour l’autre, il y a quand même de la réticence. On me demande parfois si je peux avoir des enfants. Dans l’esprit des gens, handicap veut dire asexualité et stérilité ».

Affoué Diane Goli estime peu souffrir du racisme : « Je subis parfois des propos déplacé quand je conduis parce que je suis très prudente ! ». Il lui semble également qu’elle est moins aidée spontanément quand elle est en difficulté dans ses déplacements, pour franchir un seuil ou un trottoir en fauteuil roulant : « Quand je demande de l’aide, j’ai des réactions sympathiques et solidaires, mais parfois je me retrouve seule ». Mais pour elle, il n’y a pas de « surcouche handicap » au racisme ordinaire. Elle donne de son temps à des associations, telle l’Association des Paralysés de France, et en constitue une, Handijoy, qui aura pour mission d’oeuvrer à la sensibilisation, d’apporter des conseils juridiques et une assistance aux personnes handicapées. Amateur de littérature, elle exprime également ses espoirs et ses aspirations dans des textes poétiques.

« Je me définis comme quelqu’un qui aime la vie, qui a envie de faire des choses, qui veut qu’on la regarde comme une femme avant d’être une personne handicapée. C’est un véritable combat, qui n’est pas encore gagné ».

Laurent Lejard, mars 2005.

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