La vie d’Anne-Marie Hadbi a changé brutalement après une rupture d’anévrisme. Elle était auparavant éducatrice dans une école maternelle d’application, chargée d’évaluer et de mettre en oeuvre de nouveaux programmes pédagogiques : « J’avais conçu un puzzle géant permettant aux enfants de se repérer dans l’espace, de reconnaître la droite et la gauche, d’identifier les couleurs. Nous avions même eu les honneurs de la télévision pour cette réalisation ». En 1982, elle se retrouve hémiplégique. Il faudra huit années à Anne- Marie pour sortir de la dépression qui s’en suit et récupérer une autonomie correcte. Quelques opérations chirurgicales ont été nécessaires pour qu’elle recouvre la position debout. « Avant, j’étais sportive, je faisais de l’aviron en compétition nationale. J’ai bien tenté de reprendre le sport, avec le tennis de table, mais cette pratique m’a frustrée. Je marchais avec un déambulateur. Un jour, j’ai décidé de sauter le pas, d’aller seule prendre le métro avec une canne. Ça a été difficile, j’y suis arrivée, j’ai compris que j’étais sortie du handicap, que je pouvais reprendre une vie active, retravailler ». C’est avec une simple canne qu’Anne- Marie se déplace désormais la plupart du temps, utilisant occasionnellement un fauteuil roulant.

Elle a trouvé dans la lecture et la peinture les ressources morales qui lui ont permis de reprendre prise: « Les livres m’ont apporté l’évasion et la connaissance des autres, la peinture la spiritualité. Je peignais des icônes selon les techniques traditionnelles. J’y ai trouvé à la fois un repli sur soi salutaire et une quête spirituelle ». Par ailleurs, la vie de couple d’Anne- Marie a résisté à la maladie et au handicap : « Mon mari et moi avions une vie assez indépendante, un peu comme des célibataires vivant ensemble. Ce mode de vie s’est poursuivi. Mon mari s’est posé la question du départ, il me l’a également posée – qu’est-ce que tu ferais si j’étais à ta place – je n’ai pu lui répondre. Il est resté, il m’a aidé ». Aujourd’hui il est, comme Anne- Marie, membre du Collectif des Démocrates Handicapés, et milite davantage qu’elle au sein de cette organisation politique !

Le retour d’Anne-Marie dans le monde du travail a été ardu. Elle voulait devenir institutrice et a préparé le concours d’entrée à l’Ecole Normale en effectuant un stage en milieu scolaire. Tout se présentait bien, jusqu’aux épreuves sportives : le Ministre de l’éducation nationale de l’époque, Lionel Jospin, refusa en effet de lui accorder une dérogation pour « raisons de sécurité »… Anne- Marie n’enseignera donc pas aux enfants. Par la filière des emplois réservés de la fonction publique, elle fut heureusement recrutée par le Ministère de la culture et choisit le Musée du Louvre dans lequel elle travaille depuis 1989. Elle est l’une des créatrices du service Relations avec le public handicapé. Elle a contribué à l’élaboration du plan- guide spécifique, a travaillé sur la mise en accessibilité de l’aile Richelieu (jadis occupée par le Ministère des finances), élaboré des circuits de visite adaptés, etc.

Ces années, elle les a vécues comme une valorisation, une sublimation du handicap, jusqu’à une récente restructuration de l’établissement. Depuis, Anne- Marie a été déchargée des actions qui l’intéressaient et c’est dans une activité de veille on line sur l’accueil des publics handicapés qu’elle s’efforce de conserver sa motivation professionnelle. Et c’est au- dehors qu’elle retrouve le contact des enfants qu’elle aime tant, en leur apportant un soutien dans le cadre d’une entraide scolaire.

Laurent Lejard, mai 2004.

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