Le Palais de l’Europe est le siège du Conseil de l’Europe, installé à Strasbourg, et dont l’Assemblée Parlementaire réunit des députés et sénateurs des 47 Etats membres. Elle agit essentiellement en matière de respect des droits de l’homme et élabore des conventions internationales. Parmi ses membres, siège depuis 5 ans Daniela Filipiová, 50 ans, paraplégique, Sénateur tchèque.

Daniela Filipiová s’est engagée en politique en 1997, pour soutenir l’action alors contestée du chef du gouvernement de la République Tchèque, Vaclav Klaus, fondateur du Parti démocratique civique (O.D.S, droite libérale) : « Il était attaqué, ça m’a gênée, j’ai voulu le défendre et j’ai adhéré à son parti ». C’était là le premier engagement de Daniela Filipiová, qui gravit rapidement les échelons qui l’ont conduite au Sénat. Née à Prague, dans le centre historique, elle y réside toujours et ce sont ses voisins qui l’ont élue en 2000 : « Il y a eu des primaires au sein de mon parti, avec notamment un ancien maire d’un district de Prague et un professeur d’université. J’ai été choisie, mon mari et mon fils ont suivi ». Le Sénat compte 81 membres, renouvelés par tiers tous les 2 ans au scrutin uninominal à deux tours : « J’ai fait campagne dans la rue, au contact des gens qui me connaissaient ». Elle ne fut toutefois pas la première personne handicapée à siéger au Parlement : « Le handicap ne constituait pas un obstacle, je n’ai jamais senti que mes collègues me voyaient comme un problème ». Elle cite d’ailleurs d’autres personnes handicapées élues dans des instances municipales et régionales. « En 2000, on était dix années après la Révolution de velours et la fin de l’ère communiste. On avait fait beaucoup de choses pour faciliter la vie des personnes handicapées, lutter contre les barrières architecturales. Mais la plus grande barrière est dans la tête des gens, la loi la plus merveilleuse ne peut rien s’ils ne veulent rien changer ».

Daniela Filipiová constate que les grandes villes tchèques évoluent plus favorablement que les petites, proposant des logements neufs accessibles et adaptés : « L’Etat finance à 70% l’adaptation d’un logement, et 100% l’accessibilité d’un immeuble ». Pour autant, elle est critique sur l’aspect Etat providence : « Les personnes inaptes au travail reçoivent des allocations mais beaucoup de personnes handicapées ne veulent pas travailler, c’est un grand problème ». Si la Tchéquie a signé la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées, Daniela Filipiová estime sa ratification inutile : « Tout est déjà inscrit dans notre droit national, y compris la procédure de recours contre les discriminations ».

Elle approuve les grandes lignes de son parti, une aide concrète à la personne évaluée sur ses besoins réels. Par exemple, un fauteuil roulant manuel est couvert à hauteur de 20.000CZK (805€), et un électrique 120.000CZK (4.835€). Celui de Daniela Filipiová lui a coûté 46.000CZK (1.853€) : « L’Etat aide, mais ne paie pas tout ».

Ses problèmes de santé ont commencé alors qu’elle avait 21 ans; les médecins l’opérèrent d’une malformation près de la moelle épinière, dont les suites entrainèrent une paraplégie définitive six ans plus tard. C’est en fauteuil roulant que Daniela Filipiová reprit son travail au sein d’un cabinet d’architecte, au milieu de collègues qui la voyaient différemment : « J’ai eu des problèmes, ils pensaient que j’avais également quelque chose dans ma tête ! Il leur était difficile de comprendre que j’étais toujours la même. La paralysie a tout changé dans ma perception de l’architecture. A l’école, on ne nous enseignait pas les besoins spéciaux. Durant l’époque communiste, les personnes handicapées étaient en établissement ou restaient chez elles, on ne les voyait pas. La première personne handicapée que j’ai vue… c’était moi me regardant dans un miroir ! ». Aujourd’hui encore, elle vit cette « communication décalée » que connaissent beaucoup de personnes handicapées : « On parle à mon mari plutôt qu’à moi, c’est à lui qu’on rend la monnaie sur l’argent que j’ai donné. La vie des personnes handicapées pourrait évoluer plus vite, ça bouge; le problème c’est la mentalité des gens. On doit commencer l’intégration dès la maternelle, pour qu’il n’y ait plus d’obstacles, parce qu’en grandissant ensemble, les handicaps seront gommés ».

Laurent Lejard, avril 2008.

Le Conseil de l’Europe prépare une Conférence Handicap qui se déroulera les 29 et 30 octobre prochains à Strasbourg. Un comité ad hoc en assure actuellement la préparation. Il s’inscrit dans le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société : améliorer la qualité de vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015. Ce Plan est disponible en version pdf facile-à-lire(sic).

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