Augustin Boujeka est Maître de Conférences en droit privé. Agé de 36 ans, aveugle, il enseigne à Nanterre (92) et Evry (91) le droit des affaires et les droits de l’homme. Il réside à Paris. Il a rejoint les Verts au début de cette année : « Le droit est une matière éminemment politique, c’est la politique qui fait le droit par le processus parlementaire d’élaboration de la loi. Mais tous les juristes ne font pas de la politique »…

« Mon engagement politique est issu d’activités associatives ». Augustin Boujeka avait créé, en 1990, Handicap Initiative Campus à l’Université de Nanterre. Déjà à cette époque, il fit la connaissance d’Emmanuel Moreau (lire cette chronique), membre de la Commission Handicap des Verts. Depuis son entrée dans l’enseignement supérieur, Augustin Boujeka a rejoint l’Association Travail et Handicap dans la Recherche Publique (Atharep) qui oeuvre à l’intégration d’agents handicapés dans les organismes de recherche, les grands établissements et les universités. Il en fut vice- président en 2003 et siège encore au Conseil d’Administration. « Je suis de sensibilité écologiste, j’estime que l’environnement est quelque chose de concret et qui concerne tout le monde. Je pense que l’on pourrait éviter le gaspillage, par exemple en remplaçant l’usage de piles jetables et polluantes par des accus rechargeables. La Commission Handicap des Verts m’a intéressé. J’y suis venu en discutant avec mon ami Bachir Kerroumi [Aveugle, Conseiller technique auprès de l’adjoint aux finances de la Maire de Paris N.D.L.R]. Elle s’inscrit dans une approche trans- thématique, elle n’est pas confinée à l’accessibilité. On s’intéresse à la citoyenneté, aux droits. La démarche écologiste est indépendante du handicap, et également convergente ».

L’engagement en politique d’Augustin Boujeka est encore peu connu, « il n’est pas dans les habitudes d’en faire l’étalage dans les Universités au sein desquelles je travaille ». Pourtant, il veut militer et convaincre : « Quand on agit en politique, on ne peut se contenter de rester à discuter autour d’une table, on va au contact des autres pour porter la bonne parole ». Son action, il l’imagine essentiellement altruiste : « L’ambition que l’on a pour les autres, on l’a aussi pour soi ». Son engagement lui apporte sur un plan intellectuel, existentiel. Mais il estime toutefois qu’il n’en résulte rien de particulier dans sa vie quotidienne par rapport à sa cécité, même s’il subit parfois une discrimination, notamment lors de l’achat de son appartement : « J’ai constaté que la loi permettait de m’appliquer des conditions désavantageuses pour assurer et garantir un emprunt bancaire »…

Le juriste en a tiré la leçon que des lois censées aider des individus constituent en fait des obstacles. Il porte un regard positif sur le projet de Constitution Européenne, qui intègre la Charte des Droits Fondamentaux : « Il comporte des principes de protection des personnes handicapées. Ils doivent encore être traduits en droit positif dans les Etats, mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est déjà appuyée sur la Charte pour donner une assise juridique à des décisions qu’elle a rendues ».

« Il y a lieu de réaliser des choses en faveur des déficients visuels. La politique, on la fait ou on la subit; il est plus intéressant de la faire que de la subir. Je ne voulais pas rester sur ma chaise en ruminant le choc du 21 avril 2002 [Premier tour de l’élection présidentielle qui vit arriver le candidat Front National au deuxième tour N.D.L.R]. La première manifestation à laquelle j’ai participé de ma vie a eu lieu le 1er mai 2002; j’estime que quand on veut exprimer quelque chose il faut se bouger ». Et s’il ne recherche pas les responsabilités, Augustin Boujeka est prêt à assumer celles qu’on lui proposerait, tout en poursuivant sa carrière universitaire.

Laurent Lejard, mai 2005.

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